L’Ours et les deux Compagnons commentaires et analyses de MNS Guillon,1803.
- L’Ours et les deux Compagnons.

(1) Deux Compagnons. Compagnon est souvent synonyme d’a venturier :
Quand Compagnons sont desbauchés,
Ils ne cherchent que compagnie.
(Villon, IIe. Part. Franch. Repues, p. 35.) On lit en tête de la 5e. Nouvelle de la 8e. Journée du Décameron, » Trois bons Compagnons avallèrent (abaissèrent) les brayes (cu lottes) à un Juge de Florence, (p. 159. T. IV. )
Voyez tous les auteurs qui ont écrit sur notre langue ; combien de divers sentimens sur l’étymologie de ce mot ! Les uns le font venir de cum et panis; les autres de pagus; les autres de com bino; d’autres du celtique; et enfin, d’autres de combenno, qui
eodem curru utitur. Mais sans aller chercher si loin : un compagnon est l’associé d’un autre ; il est joint à lui ; il a sa com pagnie. Compagnon vient de compagnie, qui est le mot latin tout
pur à l’ablatif, compagine, de compago , qui signifie assemblage. ( Barbazan, Glossaire, page 205. )
(2) Mais qu’ils tueroient bientôt, du moins à ce qu’ils dirent.
«Cettes suspension fait un effet charmant. Jusqu’à ce mot, on croiroit que l’Ours est mort, ou du moins pris et enchaîné ». ( Champ fort.) Toute cette fable est travaillée avec soin: l’écrivain sait si bien se plier à tous les tons, et parler la langue propre à chaque
état qu’il met en scène ! Ce vers sur-tout :
On en pourroit fourrer deux robes plutôt qu’une,
peint à merveille le charlatanisme fanfaron du vendeur.
(3) Dindenaut. Marchand de moutons dans Rabelais (Pantagr. L. IV ). Son histoire et l’entretien de ce marchand avec Panurge,qui convoite ses moutons, est prise de Merlin Coccaie. ( Ma caron. XI.)
(4) Le marché ne tint pas, il fallut le résoudre. Voila le premier exemple, et l’unique peut-être dans La Fontaine, d’un vers où la naïveté ait l’air de la niaiserie : il est d’ailleurs obscuré ment conçu. Mais les petites taches au milieu de tant de beautés, sont, comme l’a dit un grand homme, de petites pierres entourées de diamans : elles en reçoivent de l’éclat, et n’en ôtent point.
(5) Ayant quelque part ouï dire. C’est là un conte démenti par les témoignages les plus respectables. Il paroît certain, dit M. de Buffon, que les Ours dévorent les animaux vivans, et mangent même les voiries les plus infectes. ( Hist. Nat. T. VllI. p. 25. éd. in-12. Imp. roy.)
(6) Otons-nous, car il sent. Excellent. Que l’homme manque son rôle : il est victime, et le comique disparoît ; mais qu’il le joue au point de tromper l’Ours, et de le persuader qu’il est réellement mort : voilà le comble de l’art ; voilà ce qui suppose dans le poète une intelligence profonde de la nature. En effet, la fureur de croire va toujours plus loin qu’on ne l’eut espéré. Quoi donc ? La Fonuine étoit-il doué d’un sens plus exquis et d’une perspicacité plus que naturelle ? Ainsi dans Molière , M. de Sotenville repoussant un homme à jeûn, lui dit: Retirez-vous, vous puez le vin.
(7) Il m’a dit qu’il ne faut jamais, etc. La morale mise dans la bouche du personnage a plus d’autorité ; le poète s’y déguise mieux, et le lecteur jouit de la variété que cette différence répand dans la collection des apologues. (L’Ours et les deux Compagnons)