Du juste et de l’injuste avons nous quelque idée ?
Où sont-ce-là des mots vuides de sens ?
Interrogeons un homme à ses derniers instans ;
La question est décidée.
Alors la vérité lui défille les yeux :
Il voit au flambeau qui l’éclaire,
Et ce qu’il a dû fuir, et ce qu’il a dû faire ;
Il découvre le mal et le bien et le mieux.
Dans sa conscience confuse
S’élève un tribunal vengeur de son devoir,
Où lui-même il s’appelle, où lui-même il s’accuse,
Et se juge sans le vouloir ;
Ces vains argumens dont s’abuse
Le coupable en pleine santé,
Lui-même en mourant les récuse,
Amèrement surpris de sa crédulité.
Éloignés de ses yeux la mort qui le menace ;
Tous ses doutes vont revenir.
La passion renaît, et le devoir s’efface.
Il ne voudra plus convenir
Qu’il en soit un ; et cette erreur subtile
Le rend tout à la fois et coupable et tranquile.
- Antoine Houdar (ou Houdart) de la Motte- 1672 – 1731, Prologue.