Æsopus auctor quam materiam reperi
Hanc ego polivi versibus senariis.
Duplex libelli dos est : quod risum movet,
Et quod prudenti Vitam consilio monet.
Calumniari si quis autem voluerit,
Quod arbores loquantur, non tantum feræ,
Fictis jocari nos meminerit fabulis.
Prologue
C’est Ésope qui, le premier, a trouvé ces matériaux: moi, je les ai façonnés en vers iambiques. Ce petit livre a un double mérite: il fait rire et il donne de sages conseils pour la conduite de la vie. A celui qui viendrait me reprocher injustement de faire parler non seulement les animaux, mais même les arbres, je rappellerai que je m’amuse ici à de pures fictions.
Commentaires d’Ernest Panckoucke – 1834.
1. Aesopus auctor quam materiam………
Plusieurs traducteurs ont entendu par Esopus auctor, Esope est l’auteur et l’inventeur de ces fables. » Il y a évidemment ici une erreur. Aesopus auctor veut dire l’auteur Esope ; Phèdre , qui attachait tant de mérite à la brièveté, n’aurait pas commencé son ouvrage par une redondance tout-à-fait inutile. Il a voulu désigner le Phrygien Esope, parce que plusieurs personnages célèbres avaient porté ce nom ; notamment Clodius Esope , le meilleur tragique de la scène romaine.
2. Reperit. — Reperlre, trouver à force de méditations. Les Latins ont souvent employé dans le même sens les expressions reperire et invenire. Cependant, dans certaines circonstances, on voit ces deux mots employés ensemble et avoir un sens différent. Tu non inventa, reperta es. {Métamorphoses d’Ovide, liv. I.)
3. Hanc ego polivi. J’ai cru devoir traduire polivi par imiter; parce que Phèdre, en livrant ses essais au public, voulait se mettre sous la protection d’Ésope : son intention n’est donc pas de dire qu’il a mieux fait que son prédécesseur, mais seulement qu’il a donné à ses fables le brillant, le poli de la poésie.
Plus tard il n’est plus aussi modeste :
…..Invenit ille, noslra perfecit manus.
(Lib. III, fab. 19. ) Ego porro illius semita feci viani.
( Lib. III, Prologus. ) i
4. Versibus senariis. — Senarius, qui est composé de six, vient de seni, six. — Senariis versibus, vers composé de six pieds, vers ïambiques.
Caius Julius Phaedrus. par De Joly , fables complètes de Phèdre 1813
Prologue. ( Vers 4. ) Au lieu de prudentis, qui se trouve dans le manuscrit de Pithou et dans celui de Reims, presque toutes les éditions s’accordent à mettre prudenti. La première version, cependant, présente un sens clair, et qui, même, n’est pas dépourvu d’une certaine finesse. L’homme prudent et sage ne doit pas, en effet, se croire dispensé de recevoir des conseils; les rechercher, au contraire, et en faire son profit, est le caractère le plus distinctif de la prudence et de la sagesse.
Passages de ce prologue imités par La Fontaine.(Ernest Panckoucke)
Esopus auctor quam materiam reperit, Hanc ego polivi.
Je chante les héros dont Esope est le père.
Et quod prudenti vitam Consilio monet.
Contient des vérités qui servent de leçons.
Calumniari si quis autem voluerit,
Quod arbores loquantur, non tantum fenae.
Tout parle on mon ouvrage, et même les poissons,
(Liv. I, Prologue.)
J’ai passé plus avant, les arbres et les plantes .
Sont devenus chez moi créatures parlantes.
(liv. II, fable I)