Fable Simonide préservé par les Dieux analysée par C. Hygin-Furcy :
(Livre I. — Fable 14.)
On ne peut trop louer trois sortes de personnes:
Les dieux, sa maîtresse, et son roi. Malherbe le disait………………
MORT DE JACQUELIN DE MAILLÉ. — DÉSINTÉRESSEMENT DU DUC D’ÉPERNON.
— L’HONNEUR DES DAMES DÉFENDU PAR DOUZE CHEVALIERS PORTUGAIS (1395).
« Dieu, mon Roi et ma Dame » telle était la devise de tout chevalier au moyen âge. La chevalerie, dont l’origine date du dixième siècle, prit naissance au milieu du mélange des peuples septentrionaux avec les Arabes. Cette institution participa de la nature sentimentale et fidèle du Teuton et de la nature galante et exaltée du Maure, développées à l’excès par l’esprit du christianisme. L’amour de Dieu conduisait le chevalier en Terre-Sainte ; il y combattait la mort sous toutes les formes pour délivrer le tombeau du Sauveur du monde. L’amour de la patrie, qui se confondait alors avec l’amour dû au prince et ne formait pour ainsi dire qu’une seule croyance, lui imposait comme devoir : bravoure, fidélité inviolable, loyauté dans les combats même avec ses ennemis. L’amour des dames était aussi empreint d’un respect exalté , car les Germains reconnaissaient dans les femmes quelque chose de divin et jusque dans la poésie des Scandinaves, le soleil n’était autre qu’une femme : la brillante Sunna.
De cette union des trois amours qui exaltent le plus le cœur humain, naquit cette chevalerie si parfaite qui adoucit les mœurs et contribua plus qu’on ne le pense à la civilisation de l’Europe. Si parfois des crimes se commirent en son nom, ce fut par cette loi commune à notre pauvre humanité: « Errare humanum est » ; mais jamais ce ne fut par l’esprit même de la chevalerie qui avait pour règles principales de placer Dieu au-dessus de tout et de périr au besoin pour lui comme les anciens martyrs; d’avoir pour la patrie comme pour le roi un attachement, un dévouement, à toute épreuve ; de respecter les dames , les faibles et les orphelins et de prendre en tout temps leur défense.
Parmi les innombrables hauts faits inspirés par l’union de ces trois maximes chevaleresques, nous citerons les trois exemples suivants :
La cavalerie du sultan Saladin avait surpris Nazareth. Dès qu’on apprit cette nouvelle, cent trente chevaliers du Temple et trois cents hommes de pied accoururent pour sauver la ville, et quoique les Sarrazins fussent plus de sept mille, une lutte terrible mais inégale s’engagea. Dans cette journée mémorable, les chevaliers chrétiens firent des prodiges de valeur ; entourés de montagnes de cadavres , les armes rompues, couverts de sang , ils arrachaient de leur corps les flèches que leur lançaient les ennemis et les leur renvoyaient. Tous périrent , sauf deux chevaliers qui rentrèrent à Jérusalem. Cependant Jacquelin de Maillé , maréchal du Temple combattait encore… seul, debout au milieu des morts , il luttait contre les Sarrazins et quoique criblé de blessures, il abattait tous ceux qui l’approchaient. Les barbares l’accablèrent de loin, d’une nuée de flèches , et il mourut en priant et prononçant le nom de Dieu. On dit que les Sarrazins , frappés d’admiration pour tant de valeur, dirent que c’était saint Georges en personne qui combattait pour les chrétiens. Ils entourèrent avec respect le cadavre de Jacquelin de Maillé , et se partagèrent ses vêtements couverts de sang et les débris de son armure comme autant d’objets sacrés. Exemple remarquable du pouvoir qu’exerce la vertu même sur les barbares !
Nos ancêtres se firent une telle habitude du dévouement au roi et à la patrie, ce dévouement inspira tant de hauts faits guerriers dans notre histoire , que nous leur préférons un exemple d’un autre genre, moins brillant peut-être, mais tout aussi remarquable.
Sous le règne de Louis XIII les frais delà guerre avaient tellement épuisé le trésor, qu’on rejeta sur le peuple une imposition ajoutée à la taille pour payer les appointements des gouverneurs et des officiers employés dans les provinces. Le duc d’Épernon dit alors: » Il y a plus de soixante ans que je sers mon roi sans avoir touché, d’ailleurs que de son épargne , les appointements dont il m’a jugé digne; puisque la situation des finances ne permet plus de me payer, je ne commencerai pas à la fin de mes jours à vivre aux dépens d’un peuple que je vois périr de faim et de misère. » Il vécut depuis ce temps-là des minces revenus de ses terres et ne toucha plus rien de ses appointements.
Vers 1395, des chevaliers anglais répandirent dans toute la ville de Londres une violente satyre contre les dames de la cour, dont ils attaquaient ;Soitla naissance, la beauté, l’esprit ou la vertu. Cet acte, si contraire aux lois de la chevalerie, fut accompagné d’un défi des plus insolents porté à tous ceux qui oseraient démentir ce discours. Aucun chevalier ne se présenta pour soutenir l’honneur des dames ; mais quand la nouvelle en parvint en Portugal, où régnait Jean Ier, surnommé le Grand, douze chevaliers s’embarquèrent immédiatement pour l’Angleterre et se proclamèrent les champions de la vertu opprimée. Le combat eut lieu en champ clos à la lance et à l’épée, et toute la cour y assista. Les généreux Portugais firent mordre la poussière à leurs adversaires, furent tous vainqueurs et reçurent pour prix de leur victoire des couronnes de fleurs, des écharpes et des armes ornées des couleurs des belles dames anglaises dont ils s’étaient déclarés chevaliers.
- Charles Hygin-Furcy , 18??