Marie-Nicolas-Silvestre Guillon
Théologien, prêtre – Analyses – Simonide préservé par les Dieux
Commentaires et analyses: Simonide préservé par les Dieux, MNS Guillon, 1803
Simonide préservé par les Dieux.
(1) Les faveurs d’une belle en sont souvent le prix. «La louange, plus que toute autre chose, fait naître l’amour», disaient, bien long-temps avant La Fontaine, les antiques poètes provençaux :
Lauzor engenr’amor
May c’una sola res. ( Manusc. d’Urfé, pièce 980. )
Une pensée semblable a produit la jolie fable de la Coquette et d’Abeille, de Florian, qui la termine par ce mot : l’encens fait tout passer. Théocrite, dans son idylle de la Mort d’Adonis , et Gay dans sa fable de la Belle et la Guêpe, rappellent la même morale.
(2) Simonide, philosophe et poète grec. Il ne nous reste plus de lui que quelques fragments de poésies, dont Quintilien et Denys d’Halycarnasse ont vanté la douceur et l’harmonie. Il chanta les louanges des Dieux, les victoires des Grecs sur les Perses, les triomphes des Athlètes dans les jeux. Il décrivit en vers les règnes de Cambyse et de Darius, s’exerça dans tous les genres de poésie ; et réussit principalement dans les élégies et les chants plaintifs. Il fut le premier qui composa des vers pour de l’argent.
(3) Pleins de récits tout nus, si simples , si vulgaires , qu’ils n’étaient point susceptibles des décorations de la poésie. Point d’aïeux dont l’éclat pût rejaillir sur le héros ; point de vertus ni de talents faits pour réparer l’obscurité de sa naissance.
(4) Castor et Pollux, frères gémeaux, nés de Jupiter et de Léda, mis par l’antiquité au nombre de ses Dieux et des constellations du Zodiaque. On les révérait comme protecteurs du pugilat ou combats des Athlètes.
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La louange chatouille et gagne les esprits ;
Les faveurs d’une belle en sont souvent le prix.
Voyons comme les Dieux l’ont quelquefois payée.
Simonide* avait entrepris
L’éloge d’un Athlète, et, la chose essayée,
Il trouva son sujet plein de récits tout nus.
Les parents de l’Athlète étaient gens inconnus,
Son père, un bon Bourgeois, lui sans autre mérite :
Matière infertile et petite.
Le Poète d’abord parla de son Héros.
Après en avoir dit ce qu’il en pouvait dire,
Il se jette à côté, se met sur le propos
De Castor et Pollux, ne manque pas d’écrire
Que leur exemple était aux lutteurs glorieux,
Élève leurs combats, spécifiant les lieux
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Un domestique accourt, l’avertit qu’à la porte
Deux hommes demandaient à le voir promptement.
Il sort de table, et la cohorte
N’en perd pas un seul coup de dent.
Ces deux hommes étaient les gémeaux de l’éloge.
Tous deux lui rendent grâce ; et pour prix de ses vers,
Ils l’avertissent qu’il déloge,
Et que cette maison va tomber à l’envers.
La prédiction en fut vraie ;
Un pilier manque ; et le plafonds,
Ne trouvant plus rien qui l’étaie,
Tombe sur le festin, brise plats et flacons,
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Chacun cria miracle. On doubla le salaire
Que méritaient les vers d’un homme aimé des Dieux.
Il n’était fils de bonne mère*
Qui, les payant à qui mieux mieux,
Pour ses ancêtres n’en fit faire.
Je reviens à mon texte et dis premièrement
Qu’on ne saurait manquer de louer largement
Les Dieux et leurs pareils; de plus, que Melpomène
Souvent sans déroger trafique de sa peine ;
Enfin qu’on doit tenir notre art en quelque prix.
Les grands se font honneur dès lors qu’ils nous font grâce* :
Jadis l’Olympe et le Parnasse
Étaient frères et bons amis.
(5) Talent, monnaie attique, adoptée depuis par les Romains. On comptait le grand et le petit talent ; le premier de 80 mines , le second de 60, revenant, le grand, à 325g liv. , à 5o liv. la mine, le petit à 2444 liv.
(6) La cohorte n’en perd pas un coup de dent. Ce terme n’est pas indifférent. On voit une troupe de parasites affamés, très-peu embarrassés des motifs d’un message aussi pressant, d’une absence aussi brusque.
(7) Un pilier manque, et le plafond , etc. Tout autre eût dit : la maison s’écroule. La Fontaine nous fait assister à la chute progressive de l’édifice : on voit ses ruines, on compte ses ravages.
(8) Il n’était fils de bonne mère. Imité de Rabelais : Point n’était fils de bonne mère réputé, etc. (Liv. I. ch. 5o, p. 301 ).
(9) Melpomène, une des Muses ; c’est celle qui préside à la tragédie; ce qui s’applique naturellement au héros de la fable, à Simonide, dont le talent particulier consistait à peindre les situations et les infortunes qui excitent la pitié. Au reste, Melpomène est prise ici pour la poésie elle-même.
(10) Souvent sans déroger : sans rien perdre de sa noblesse. Des moralistes plus sévères croiraient dégrader le plus sublime des arts, en lui permettant ce trafic honteux de la louange.
(11) Tenir en quelque prix. On a pu dire : tenir, à honneur : on dit dans un autre cens mettre à prix, jamais tenir en prix,
(12) Jadis l’ Olympe et le Parnasse – Étaient frères et bons amis. L’Olympe habité par les Dieux, pour dire: les palais des grands, qui sont en quelque sorte les Dieux de la terre. Parnasse, l’asyle des muses et des poètes.(Simonide préservé par les Dieux analysée).