Un homme labourait son champ
A l’aide de deux bœufs, qu’un même joug rassemble,
Accouplés de la sorte ensemble ;
L’un gros et fort, au large flanc,
L’autre faible, chétif et de petite taille,
Tellement qu’à peine il travaille ;
Et l’attelage, ainsi ne faisant rien qui vaille,
Ne pouvait creuser le sillon.
Et l’homme de jouer alors de l’aiguillon.
Peut-être l’on s’imagine
Que c’était sur la maigre échine
Du plus petit. C’était sur le dos du plus grand,
Qu’il piquait, fouettait jusqu’au sang.
— Pourquoi frapper celui qui tire,
Et ménager celui qui ne fait rien ?
Se mit un passant à lui dire :
— C’est parce que, croyez-le bien,
Il n’en ferait pas davantage,
S’il n’avait sous les yeux l’exemple du courage,
De la soumission et des efforts du grand.
Cet argument me semble concluant :
Lorsque dans un État les vices envahissent
Toutes les classes, tous les rangs,
Sans nul ménagement frappez surtout les grands,
Pour que les petits obéissent.
“Un Homme laboure son champ”