(Extrait) – Un paysan des environs d’Abbeville, nommé Brifaut, va au marché de cette ville vendre dix aunes de toile qui avait faites. Il la portait sur son épaule, moitié par-devant, moitié par-derrière. Un filou tente de la lui escamoter. Tout en marchant derrière lui, le voleur se la coud sur sa cotte. Quand ils sont dans la foule, il le pousse et le fait tomber, et pendant que le villain se ramasse, l’autre enlève adroitement la toile qu’il place comme lui sur son épaule, puis il va se ranger parmi les autres paysans. Brifaut, surpris de ne plus retrouver son paquet, cherche autour de lui et crie : « Ma tuile, ma toile. » Le filou l’écoutait d’un air fort tranquille; enfin il lui demande ce qu’il a pour crier si fort. Le manant le lui conte. « Imbécile, répond le voleur, regarde, si tu avais eu l’esprit de la « coudre comme moi à ta cotte, on ne te l’aurait pas prise. »
Notes :
Dans le Patron de l’honnête raillerie, page 14 et dans les Facétieuses Journées, page 261 , le curé Arlotto, pendant que deux gens se querellent, escamote ainsi du poisson, qu’il fourre dans sa manche, et il répond à-peu-près comme dans le fabliau.
Dans les Nuits parisiennes, on lit l’escroquerie , assez semblable, d’un filou qui, dans une foule, avait pris à quelqu’un son chapeau. Il se l’était mis sur la tête; et, en le tenant avec la main, il disait: « Pour moi, l’on ne me prendra pas le mien. »
Se trouve ainsi dans les Historiettes ou Nouvelles en vers par M. Imbert, page 78.
“De Brifaut”, Recueil de Méon, tome I, page 124.