de piscatore et pisce
Piscator solitus praedam suspendere saeta
exigui piscis vile trahebat onus.
sed postquam superas captum perduxit ad auras
atquc avido fixum vulnus ab ore tulit,
“parce, precor,” supplex lacrimis ita dixit obortis;
“nam quanta ex nostro corpore dona feres?”
nunc me saxosis genitrix fecunda sub antris
fudit et in propriis ludere iussit aquis.
tolle minas, tenerumque tuis sine crescere mensis.
haec tibi me rursum litoris ora dabit.
protinus immensi depastus caerula ponti
pinguior ad calamum sponte recurro tuum.
ille nefas captum referens absolvere piscem,
difficiles queritur cassibus esse vices.
“nam miserum est” inquit “praesentem amittere praedam
stultius ct rursum vota futura sequi.”
Le Pêcheur et le Poisson
Un pêcheur, habitué à prendre avec sa ligne de quoi se nourrir, tirait de l’eau un tout petit poisson de peu de poids. Mais quand il eut amené sa prise à l’air et qu’il eut dégagé de sa gueule avide le fer qui s’y était enfoncé : « Épargne-moi, je te prie, lui dit le poisson en le suppliant avec des larmes. Quel grand profit en effet retireras-tu de moi? A l’instant ma mère féconde vient de me produire sous des cavernes creusées dans les roches et m’a envoyé jouer dans les eaux qui lui appartiennent. Renonce aux menaces et, puisque je suis encore tout jeune, laisse-moi croître pour être servi sur ta table : tu me reprendras sur ce rivage. Bientôt, après m’être repu dans les eaux de l’immense Océan, devenu plus gros, je reviendrai mordre volontairement à l’hameçon de ton roseau. » Le pêcheur réplique qu’il n’est pas permis de rendre la liberté à un poisson qui s’est fait prendre et allègue avec des plaintes les chances trop incertaines du coup de filet. « Les malheureux, dit-il, n’ont pas le droit de laisser échapper la proie qu’ils tiennent; c’est une sottise plus grande encore de remettre à plus tard la jouissance de l’objet de nos voeux. »