L’Ignorant
Comme le Coq ne va querant
La pierre précieuse et belle,
Ainsy ne cherche l’ignorant
La science spirituelle
Du Coq et de la Pierre précieuse
Ung Coq, cherchant sa viande et pasture
Sur ung fumier, en fange et pourriture,
Gratant des piedz, une pierre trouva
De tresgrand pris : il la laisse et s’en va,
En luy disant : « Ha ! pierre précieuse,
Qui tant es belle et bonne et gracieuse,
C’est grand dommaige et pour toy grand malheur
Qu’homme sçavant qui cognoist ta valleur
Ne t’a trouvée en ce lieu ord et vague :
Il en feroit quelque tresriche bague.
Mais moy qui t’ay en ce fumier trouvée.
Par moy n’est point ta bonté esprouvée ;
Je ne te veulx, de toy je nay que faire,
C’est pour celluy qui en a plus affaire,
Et pour sonfaict te souhaitte et désire ;
A sy grand bien et sy hault je n’aspire. »
Ainsi le fol, par son insipience,
N’a cure et soing de la bonne science,
Il ne veult point aux lettres prouffiter,
Tant seulement il se veult arrester
Aux biens mondains pleins de corruption,
Aux folz plaisirs remplis d’infection.
Il se complaist à faire demourance
Es lieux fangeux, ténèbres d’ignorance :
Ainsi est il à ce coq bien semblable
A qui ne chault de la pierre vallable,
Car par la pierre est science entendue,
Parmy les biens de ce monde estendue.
“Du Coq et de la Pierre précieuse”
- Gilles Corrozet (1510 – 1568)