Le renard, par bois errant,
Va quérant,
Pour sa dent, tendre pasture,
Et si loin en la fin va,
Qu’il trouva
Le coq par mésaventure.
Le coq, de grand peur qu’il a
S’envola
Sur une ente haute et belle,
Disant que maistre renard
N’a pas l’art
De monter dessus Scelle.
Le renard, qui l’entendit,
Lui a dit,
Pour mieux couvrir sa fallace :
Dieu te garde, ami très-cher !
Te chercher
Suis venu en cette place,
Pour te raconter un cas
Dont tu n’as
Encore la connoissance;
C’est que tous les animaux,
Laids et beaux,
Ont fait entre eux alliance.
Toute guerre cessera ;
Ne sera Plus entr’eux fraude maligne ;
Sûrement pourra aller
Et parler
Àvecque moi la geline.
De bestes un million,
Le lion Mene jà par la campagne;
La brebis avec le loup,
A ce coup,
Sans nul danger s’accompagne.
Tu pourras voir ici bas
Grands ébats
Démener chacune beste :
Descendre donc il te faut
De là-haut,
Pour solemniser la feste.
Or fut le coq bien subtil :
J’ai, dit-il,
Grande joi’ d’une paix telle,
Et je te remerci’ bien
Du grand bien
D’une si bonne nouvelle.
Cela dit, vient commencer
A hausser
Son col et sa creste rouge,
Et son regard il épard
Mainte part,
Sans que de son lieu se bouge.
Puis dit :
J’entends par les bois
Les abbois
De trois chiens qui cherchent proie ;
Ho ! compère, je les voi
Près de toi;
Va avec eux par la voie.
Oh ! non ; car ceux-ci n’ont pas
Sçu le cas
Tout ainsi comme il se passe,
Dit le renard : je m’en vas
Tout là bas,
De peur que n’aye la chasse.
Ainsi fut, par un plus fin,
Mise à fin
Du subtil renard la ruse.
Qui ne veut estre déçu
A son sçu,
D’un tel engin faut qu’il use.
“Du Coq et du Renard”