Eustache DESCHAMPS
Ilz sont à court deux gens équipolé
L’un à fourmi, et l’autre à ceraseron.
Li froumi fait pourvéance de blé,
Pour son yver, ou temps de la moisson ;
Il vit espargnablement,
Et se gouverne en tous cas saigement ;
Le temps futur a en sa remembrance,
Tant que nul jour ne sera indigent :
Qui saiges est face ainsi pourvéance.
Le céraseron par le temps de l’esté
Ne fera jà nulle provision ;
Il vit aux champs, et quant s’est aosté
Il se retrait en aucune maison,
Et au four communément
Et ès foyers chante doubteusement.
A grant dangier quiert illec sa substance ;
Mais li fourmi se pourvoit cautement :
Qui saiges est face ainsi pourvéance.
Cculs qui long-temps ont à court demouré,
Qui sont pourveu compère au fremion ;
Car en servent se sont rémunéré,
Et ont acquis rente ou possession ;
Mais li simple et ignorant,
Sont céraseron, famelliens, négligent,
Qui ont chanté et mis en oubliance
Le temps doubteus ; le fourmi les reprant :
Qui saiges est face ainsi pourvéance.
“La Fourmi et le Ceraseron”
Voir la Fable de Jean de La Fontaine “ La Cigale et la Fourmi”