La Grenouille qui veut se faire aussi grosse… analysée par C. Hygin-Furcy
( Livre I. — Fable 3. )
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :_
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,
Tout petit prince a des ambassadeurs,
Tout marquis veut avoir des pages.
PYRRHUS ET LES ROMAINS. (280-272 avant J.-C. )
Pyrrhus, roi d’Epire, régnait en paix, gouvernant, il est vrai, un pays de petite étendue, et aurait été heureux s’il n’avait été dévoré d’ambition au souvenir des exploits d’Alexandre le Grand et à la vue de l’agrandissement continuel de la république romaine. En effet, ce géant naissant soumettait peu à peu tous les peuples de l’Italie et faisait alors la guerre aux Samnites et aux Tarentins. Ces derniers pensèrent trouver dans Pyrrhus un général habile et lui proposèrent le commandement de leur armée, forte de vingt mille hommes. Ce roi, avide de gloire, fut ravi de cette proposition, rassembla vingt-huit mille cavaliers et fantassins, et n’attendit qu’un vent favorable pour passer en Italie.
Le roi des Epirotes avait un ministre nommé Cynéas, homme de grande éloquence et de beau -coup de jugement: trouvant un jour son maître de bonne humeur, il lui dit : « Vous songez, seigneur, à porter vos armes contre les Romains, ce fléau dévastateur de l’Italie ; si les Dieux vous font la .grâce de réussir, quel avantage tirerons-nous de notre victoire ? — Les Romains une fois vaincus , répartit Pyrrhus, toute l’Italie sera à nous, — Et quand nous en serons maîtres, continua Cynéas, que ferons-nous ? » Le roi qui ne voyait pas où il voulait en venir, répliqua: — Voilà la Sicile qui nous tend les bras et vous savez l’importance de cette île — Mais, poursuivit Cynéas, la Sicile prise sera-t-elle le terme de nos expéditions
? — Non, certainement : quoi ! nous demeurerions en aussi bon chemin ! Si les Dieux nous accordent la victoire, ce ne sera là que le prélude de plus grandes entreprises : Carthage avec toute l’Afrique, la Macédoine, la Grèce entière, voilà quelles seront nos conquêtes futures. — Et quand nous aurons tout soumis, que ferons-nous ? — Nous vivions -en repos, nous passerons les jours entiers en festins, en conversations agréables et en fêtes. — Pourquoi donc aller chercher si loinun bonheur qui est entre nos mains, et acheter si cher ce que-nous pouvons avoir sans peine? » Le conseil était bon, lirais Pyrrhus ne voulut pas le suivre.
Il s’embarqua et essuya une tempête horrible ; ses vaisseaux fracassés abordèrent en désordre sur les côtes Italiennes et ce ne fut qu’en réunissant les débris de son armée à celle des Taren tins qu’il put se mesurer avec les Romains. Il obtint la victoire, mais elle lui coûta cher, car il perdit treize mille de ses soldats et dût bientôt combattre une seconde armée plus forte que la première qu’il ne vainquit qu’à grand’peine, à Asculum, l’an 278 avant J.-C. Pyrrhus se trouva tellement affaibli1 après cette bataille, qu’effrayé de la ténacité des Romains dans les revers, il abandonna l’Italie pour passer en Sicile : il secourut ces peuples alors en guerre avec les Carthaginois, et après plusieurs-victoires, repassa en Italie voulant se mesurer encore avec les Romains ; mais il fut alors complètement défait (l’an 274 avant J.-C.)
Contraint d’abandonner les magnifiques espérances qu’il avait conçues, le roi d’Epire retourna en Grèce combattre les Spartiates, et peu de temps après, assiégea la ville d’Argos. Il était sur le point d’entrer dans la place, quand il fut atteint au front par une grosse tuile qu’une femme lui lança du haut des remparts. Pyrrhus, renversé de cheval, fut reconnu par un argien qui l’acheva et lui coupa la tête (l’an 272 avant J.-C.
Ainsi finit ce prince ambitieux qui, semblable à la « grenouille de La Fontaine, voulait égaler le bœuf en grosseur, » et déploya inutilement de grands talents militaires pour échouer dans ses projets et périr misérablement de la main d’une femme.(La Grenouille qui veut…analysée par C. Hygin-Furcy)
- Hygin-Furcy, Charles. Le La Fontaine en action, ou la Moralité de chaque fable de La Fontaine développée et prouvée par un trait historique ou biographique, ouvrage spécialement destiné à l’instruction de la jeunesse, par C. Hygin-Furcy,…. 1875.