Marie-Nicolas-Silvestre Guillon
Théologien, prêtre – Analyses – La Grenouille qui veut se faire aussi grosse…
Commentaires et analyses sur La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Boeuf de MNS Guillon – 1803
(1) Envieuse, s’étend, et s’enfle et se travaille. Gomme ce vers est pittoresque ! Mr de Voltaire refuse à La Fontaine le titre de peintre ; ce seul exemple suffirait pour repousser l’accusation. Que l’on eût donné à Oudry, à Paul Poter le sujet de cette fable à représenter, ils auraient bien saisi dans le gonflement de la Grenouille un point fixe, qu’ils auraient rendu avec l’énergie qui les caractérise ; mais la progression des mouvements, mais ces efforts ambitieux de l’animal qui se travaille dans tous les sens , auraient échappé à leur pinceau. Ici le vers s’étend et se prolonge avec l’action. L’accumulation des verbes, la répétition embarrassée des mots, la rendent réellement présente aux yeux.
(2) Est-ce assez? dites-moi, etc. Ce dialogue est un modèle de précision et de naturel. On a fait honneur à un écrivain contemporain (* ) d’avoir donné plus de rapidité au style du dialogue , en le dégageant des parenthèses dit-il et répondit-il. Régnier, Rabelais, La Fontaine sur-tout, avoient les premiers droits à cet éloge.
(3) . . . La chétive pécore
S’enfla si bien qu’elle creva. Termes de mépris empruntés du langage commun. — Le récit est simple, l’expression familière ; c’est que la mort d’une Grenouille victime de sa ridicule prétention , ne méritait pas plus de colère. Le poète Desforges-Maillard a essayé d’ennoblir cette expression dans ces vers :
Que nous sommes les rois des hôtes des forêts,
Et de tout ce qu’orgueil a surnommé pécore. ( Fab. 8).
(4) Le monde est plein de gens, etc. Le sens moral de cette fable avait-il besoin d’être énoncé ? Phèdre ne l’a pas cru. La Fontaine n’a point imité son prédécesseur ; J. J. Rousseau lui en fait un reproche qu’il étend, à tous les apologues ( **). Que de richesses perdues pour l’apologue et pour la langue, si La Fontaine eut pensé ainsi!
J’observe que deux des plus célèbres personnages de ce siècle , ont jugé La Fontaine avec une excessive sévérité. Ses contemporains furent plus justes envers lui ; les écrivains médiocres lui par donnèrent sa supériorité, et les plus grands génies, ou présagèrent ses succès, ou les embellirent encore par leurs suffrages.
(*) L’auteur des Contes Moraux vivait encore à l’époque ou ce commentaire fut composé.
(**) Je voudrais qu’ayant de mettre les fables de cet auteur inimitable entre les mains d’un jeune homme, on en retranchât toutes ces conclusions par lesquelles il prend la peine d’expliquer ce qu’il vient de dire aussi clairement qu’agréablement. (Emile, Liv. IV. )
Source : Phèdre, La grenouille qui éclate et le boeuf – Nevelet– dialogues de Horace – satires II.
(La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Boeuf ) (La Grenouille qui voulait…analysées)