Jean de La Fontaine
Poète, moraliste et fabuliste XVIIº – La Grenouille qui veut se faire …
Une Grenouille vit un Bœuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n’était pas grosse en tout comme un œuf,
Envieuse, s’étend, et s’enfle, et se travaille,
Pour égaler l’animal en grosseur,
Disant : “Regardez bien, ma sœur ;
Est-ce assez ? dites-moi ; n’y suis-je point encore ?
– Nenni. – M’y voici donc ? – Point du tout. – M’y voilà ?
– Vous n’en approchez point.”. La chétive pécore.
S’enfla si bien qu’elle creva.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,
Tout petit prince a des ambassadeurs,
Tout marquis veut avoir des pages.
Autres analyses :
- La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf, analysée par Henri de Regnier
- La Grenouille qui veut se faire aussi grosse… analysée par C. Hygin-Furcy
- La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Boeuf par MNS Guillon
Commentaires de Chamfort – 1796.
Cette petite fable est charmante par la vérité de la peinture , pour le dialogue des deux grenouilles, et pour l’expression élégante qui s’y trouve.
Plusieurs gens de goût blâment La Fontaine d’avoir mis la morale , ou à la fin, ou au commencement de chaque fable ; chaque fable , disent-ils, contient sa morale dans elle-même : sévérité qui nous aurait fait perdre bien des vers charmants.
La grenouille envieuse de la taille imposante du bœuf, voulant lui ressembler, pécora à n’en plus finir. Cette envie, finit par lui coûter la vie .
Comme le dit si bien l’auteur :
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,
Tout petit prince a des ambassadeurs,
Tout marquis veut avoir des pages. (La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf )
Analyses de MNS Guillon – 1803.

(1) Envieuse, s’étend, et s’enfle et se travaille. Gomme ce vers est pittoresque ! Mr de Voltaire refuse à La Fontaine le titre de peintre ; ce seul exemple suffiroit pour repousser l’accusation. Que l’on eût donné à Oudry, à Paul Poter le sujet de cette fable à représenter, ils auroient bien saisi dans le gonflement de la Gre nouille un point fixe, qu’ils auroient rendu avec l’énergie qui les caractérise ; mais la progression des mouvemens, mais ces efforts ambitieux de l’animal qui se travaille dans tous les sens , auroient échappé à leur pinceau. Ici le vers s’étend et se prolonge avec l’action. L’accumulation des verbes, la répétition embarrassée des mots, la rendent réellement présente aux yeux.
(2) Est-ce assez? dites-moi, etc. Ce dialogue est un modèle de précision et de naturel. On a fait honneur à un écrivain contemporain (* ) d’avoir donné plus de rapidité au style du dialogue , en le dégageant des parenthèses dit-il et répondit-il. Régnier, Rabelais, La Fontaine sur-tout, avoient les premiers droits à cet éloge.
(3) . . . La chétive pécore
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