« Ma Femme, je te le répète,
» Puissé-je être un mauvais prophète,
» Tu gâtes trop ta fille et tu n’en feras rien ;
» Déjà même elle affecte un sot air qui me blesse,
» Et bientôt, grâce à ta faiblesse,
» On rira de nous bel et bien. »
— « Bah ! tu te plains toujours, se hâtait de répondre
» La trop faible Maman ; laisse parler les gens ;
» L’avenir viendra bien confondre
» Cette foule de médisants.
» Faudrait-il donc que pour leur plaire,
» On en fit une ménagère ?
» Vois-tu, ma Fille a trop d’esprit,
» Trop de grâce, et voilà ce qui fait leur dépit. »
Que dire à cela ? le bon Père
Se contentait de soupirer.
L’Enfant grandit, l’aveugle Mère
Plus que jamais la laissa se livrer
À la mollesse, au luxe ; enfin notre Fillette,
Présomptueuse, ignorante, coquette,
Se maria ; pendant les premiers jours,
Tout alla bien, ainsi que c’est l’usage ;
Mais la lune de miel ne peut durer toujours ;
Le temps ralentit les amours ;
Le Diable, après six mois, se mit dans le ménage,
Et le Mari trouva sa Femme trop volage,
Trop négligente, et cœtera.
Il cria fort, elle pleura ;
Après les cris, les coups ; bref, la pauvre victime,
S’accommodant fort peu de ce nouveau régime,
Alla rejoindre ses parents.
Mères, n’ayez pour vos Enfants,
Ni complaisances, ni faiblesses,
Et, quels que soient votre rang, vos richesses,
Inspirez-leur l’amour du travail, des vertus ;
Vos soins ne seront pas perdus.
“La Mère et la Fille”