Marie-Nicolas-Silvestre Guillon
Théologien, prêtre – Analyses – La vieille et les deux servantes
Commentaires et analyses : La vieille et les deux servantes de MNS Guillon – 1803
La vieille et les deux servantes – Ésope, 79.
Les êtres raisonnables, connue dans la fable de la Vieille et des deux Servantes , n’offrent pas assez de merveilleux, a dit M. de La Serre (Encycl. in-8°. art. Apologue). Ce serait là un reproche commun à toutes les fables où il n’entre point d’animaux ; ils est sont véritablement les agents naturels, en quelque sorte nécessaires. La poésie se soutient par la fable, et vit de fictions.
(1) Il était une Vieille. Ce début ordinaire aux contes du temps passé, et si agréablement parodié dans les vaudevilles modernes , s’adapte très-bien avec le caractère des personnages : c’est là en quelque sorte un style de costume.
(2) Les sœurs filandières. Les Parques occupées, selon les poètes,à filer 1a vie des hommes. Catulle les représente sous la figure de trois femmes accablées de vieillesse, les membres tremblants, le visage ridé, le regard sévère. On les voit sous des formes toutes contraires sur plus d’un monument : ce sont de belles vierges, au nombre de deux, et plus souvent de trois, comme elles sont autour du lit funèbre de Méléagre. On lit cette expression filandière dans les anciens auteurs. ( Voyez Décameron, IIIè. Journ. p. 31.)
(3) Dès que Thétis chassait, etc. Thétis, déesse de la mer, la mer elle-même, d’où les poètes supposent que le soleil, ou Phébus, se lève tous les matins. Ce sont les mêmes images qu’a empruntées madame Deshoulières, dans cette description du cou cher du Soleil : elle le voit fournir sa brillante carrière :
Jusqu’en ces climats,
Où sans doute las
D’éclairer le monde, .
Il va chez Thétis
Rallumer dans l’Onde,
Ses feux amortis.
(4) Tourets entraient en jeu, La plupart des anciennes éditions portent : Toutes entroient en jeu. C’est une faute. Touret, petit tour à dévider.
(5) Delà, de çà, vous en aurez, etc.. Le fabuliste concis et serré retranche les verbes, supprime les liaisons , et augmente par le secours des ellipses la rapidité du récit.
(6) Dès que l’aurore, dis-je, en son char remontait. Autre description, du lever du Soleil. Celle-ci est plus claire, comme venant après : le burin et le pinceau l’ont souvent dérobée à la poésie. Deux magnifiques carnées du cabinet du duc d’Orléans représentent l’Aurore conduisant un char attelé de deux chevaux , dans le premier, de quatre dans le second ; différence qui a beau coup exercé les savants.
(7) Un misérable Coq ….
Notre Vieille, encor plus misérable. Le poète joue sur le mot misérable. On sent la différence que cette épithète acquiert et de son substantif, et de la place qu’elle occupe : dans l’une c’est l’expression du dépit; dans l’autre c’est celle de la pitié.
(8) S’affublait d’un jupon, etc. Tous ces vers portent l’empreinte du naturel enjoué qui distingue notre poète.
(9) Le réveille-matin. Avec autant de justesse que de génie , La Fontaine a transporté au Coq, cette horloge vivante des campagnes, une expression dès long-temps connue. Le poète Alain Chartier a donné ce titre à un de ses poèmes: le Début du Réveille-Matin , ou Dialogue entre deux Amants. Martial avait aussi appelé dans sa langue, le Coq un réveille-matin :
Nondum cristati rupere silentia Galli.
(Epigr.69. Liv. IX.)
(10) Couroit comme un Lutin. Esprit follet que l’on croit se plaire à lutter contre les hommes pour leur faire peur, en fuyant sans cesse devant eux pour les attirer au piège.
(11) De Charybde en Scylla.
Incidit in Scyllam cupiens vitare Charybdim, a dit l’auteur latin du poème intitulé : Alexandreis. ( Philippe Galtherus, fol. 91. éd. Lugd. 1558, in-8°. ) Deux écueils dans le détroit qui sépare l’Italie de la Sicile ; si rapprochés, qu’il était difficile de ne pas échouer contre l’un des deux en voulant éviter l’autre. On est bien revenu de la terreur qu’inspiraient ces tourbillons fameux. Dès le temps de Sénèque, on ne faisait plus à Scylla l’honneur de la redouter. ( V. Lettre 79, T. II. trad. de La Grange, p. 5 1. ) Pour Charybde, l’eau n’y a pas plus de trente palmes de profondeur. Le baron de Riedezel assure l’avoir traversé dans une petite barque. ( Voyage en Sicile, Lettre I. p. 161.)