A. de Closset
Avocat, analyses des fables – La vieille et les deux servantes
Analyses littéraires des fables de La Fontaine par A. de Closset – 1867
La vieille et les deux servantes de La Fontaine
- – Ésope, 79.
Voici une Fable où La Fontaine retrouve ses pinceaux et sa poésie, ce mélange de tours et cette variété de style qui lui est propre. La peinture du travail des servantes, celle de l’instant de leur réveil, sont parfaites. (ch.)
V. 6.. Dis que Thétis chassoit Phébus aux crins dorés.
» La belle chevelure d’Apollon ne doit pas s’appeler crins ni crinière, et crins dorés est dur pour une image gracieuse. » (M. Clément) Si toutefois, ajouterons-nous, dans un sujet de la nature de celui-ci, La Fontaine n’a pas eu ses raisons pour emprunter, de préférence, ses images mythologiques à Scarron, qui rend par cette périphrase l’épithète de crinitus que Virgile donne an dieu du jour. C’est encore une suite du ton qu’il a pris dès son début, où il caractérise les trois filles de la Nuit, les Parques, sous le titre de sœurs. Filandières.
V. 10. Dès que l’Aurore, dis-je, en son char remontait.
Ce vers est dur, et sa marche embarrassée est peu assortie à l’image qu’il présente. Voici le nouveau poli que madame Joliveau s’est efforcée de lui donner dans une de ses Fables :
Sitôt que sur son char l’Aurore aux cieux s’élance.
(Liv. 8, fab. 2.)
V. 15. Où de tout leur pouvoir, de tout leur appétit,
Dormaient les deux pauvres Servantes;
L’une entr’ouvrait un œil, l’autre étendait un bras.
Chamfort a raison de l’observer, il ne manque rien à cette peinture : c’est bien la touche naïve d’un poète enfant du Sommeil et de la Paresse, ainsi que lui-même il s’intitule dans une lettre a sa femme. Le tableau de la Mollesse, dans Boileau, qui Soupire, étend les bras, ferme l’œil et s’endort, est le plus digne pendant qu’on puisse lui opposer dans notre langue.
V. 3o. La vieille, au lien du coq, les fit tomber par là
De Charybde en Scylla…….
La Fontaine paraît avoir imité ce dernier trait de Corrozet, qui en compose le quatrain moral de sa fable de la vieille et les deux Chambrières :
Qni veult fuyr, éviter le gouffre
De Caribdis, quand il vient près de là,
Souvent il tombe au gouffre de Sella,
Auquel plus grand danger et péril souffre.
Quatrain qui lui-même est une paraphrase assez plate
de ce vers connu :
Incidit in Scyllam cupient vitare Chasybdim,
souvent cité, mais à, faux, comme étant d’Horace, et que le P. Desbillons, dans une note jointe à son imitation latine de cette Fable, dit appartenir à l’Alexanriade de Gautier de Châtillon, poète du 13e. siècle. Il est relatif à Darius, qui, fuyant Alexandre, tomba dans les mains de Bessus.
A. de Closset