« Où vas-tu ? disait une abeille
Au plus léger des papillons,
Désertant les fleurs d’une treille
Pour voler à d’autres moissons.
— Je vais jouer dans ces vallons :
Flore les émaille de roses
Fraîches, Dieu sait ! à demi-closes,
Et captives dans leurs boutons ;
Je me sens un désir pour elles.
— Et ce désir-là satisfait ?….
— Regarde !… n’ai-je pas des ailes ?
J’irai vite au lis, à l’œillet,
Aux jacinthes les plus nouvelles,
Sous le gazon le plus secret,
Je surprendrai la violette ;
Puis, je partirai comme un trait.
En ai-je cueilli le duvet ?
La fleur n’a rien que je regrette.
— Et de ces volages amours
Quel est le fruit ? — Ma foi, ma bonne.
Lorsqu’on vit si peu de jours,
Il ne faut pas que l’on raisonne.
Je ne vois jamais deux printemps ;
Tel est l’ordre des destinées ;
Et, dans mes courses fortunées.
Je veux que l’emploi des instants
Supplée au nombre des années.
— Adieu. C’est trop longtemps jaser.
Va, suis ton humeur volatile ;
Dépêche-toi de t’amuser.
Je vais me hâter d’être utile. »
“L’Abeille et le Papillon”