François- Joseph Terrasse Desbillons
Un Avare avoit serré d’excellents fruits dans un endroit retiré de sa maison ; mais il vouloit qu’on n’en servit aucun sur la table, qui ne fût gâté par la pourriture. Son Fils, qui ne souffroit cela qu’avec beaucoup de peine, voyant que ses remontrances étoient inutiles, trouva moyen de pénétrer dans le magasin ; il eut soin même d’y mener avec lui deux de ses amis. Les gaillards ne manquent pas de prendre ce qu’ils trouvent de meilleur, & autant qu’ils en peuvent emporter.
Le Père, instruit du fait, se fâche contre son Fils, & lui reproche le dégât dont il est l’auteur. Celui-ci, après avoir tout avoué, lui dit : Quel tort vous avons-nous fait ? Vous ne mangez que des fruits pourris, & nous, nous n’en avons mangé aucun qui ne fût sain.
Celui là ne perd rien, qui perd un bien dont il ne fait pas faire usage.
“L’Avare et son Fils”