Pierre Louis Solvet
Homme de lettres, écrivain et analyses des fables
Le Chien qui lâche sa proie pour l’ombre, analyse, P. Louis Solvet – 1812
- Le Chien qui lâche sa proie pour l’ombre.
Le Chien qui lâche sa proie pour l’ombre
Ésope, F. 213. — Phèdre, liv. I,F.4
Un chien qui est dans l’eau, trouble l’eau, et île saurait y voir l’ombre de sa proie ; si ce chien était sur une planche ou dans un bateau, il fallait le dire. (Ch.)
Comme si, dans une Fable d’aussi peu d’étendue, et qui ne semble être amenée qu’incidentellement, il ne suffisait pas, à toute rigueur, que ce chien ne soit pas représenté passant le fleuve à la nage, ainsi que l’ont fait Ésope et Phèdre : cela seul prouve qu’en les imitant, La Fontaine a senti cette inadvertance.
Les Fables de La Fontaine analysées par Charles Aubertin, 1891.
1. En l’eau. Locution vieillie (in aqua). On sait que dans la langue du dix-septième siècle en s’emploie fort souvent là où nous mettons dans :
Il élève en sa cour l’ennemi de la Grèce.
(Racine, Andromaque, v. 70.)
C’est Hector qui produit ce miracle en votre âme.
(Id.. ibid., v. 1050.)
2. Pensa, fut sur le point de. Voy. p. 164, n. 5.
3. Se noyer. Od a objecté qu’il est impossible de nager sans troubler l’eau, et de voir son image quand l’eau est troublée. Mais La Fontaine ne dit pas que le chien nageait quand il vit son image. Il l’aperçut apparemment, lorsqu’il était sur le bord (cela est sous-entendu et se peut facilement suppléer), et c’est la vue de cette image qui le décida à se jeter à l’eau, pour la saisir. Ce sont deux faits successifs et non simultanés. L’objection s’adresserait plus justement à Phèdre :
Canis per flumen, caroem dum ferret, Datant Lympnarum in speculo vidit simulacrum suum.
4. A toute peine, avec toute peine. Ici encore, La Fontaine emprunte une de ses expressions à l’ancien français. A, dans la langue du moyen âge, est souvent synonyme d’avec :
L’olifant sone a dolor ed a peine.
(Chanson de Roland, v. 1787.)
Il est resté quelques traces de cet emploi de à dans le français moderne.