Lorsque les Dieux, jadis de la Grèce chassés ,
Furent dans leurs états par d autres remplacés ,
Du Parnasse le nouveau maître,
Ace que dit le chroniqueur,
Y mit des ânes pour y paître.
Les Aliborons , par malheur ,
Furent informés que les Muses ,
Depuis peu du Parnasse excluses,
Avaient sur son vallon ci-devant habité.
Je savais bien , en vérité ,
S’écrie un des baudets en dressant les oreilles,
Que pour bonnes raisons Ici nous demeurons.
C’est de nous maintenant qu’on attend des merveilles. L
e monde , sûrement, des Muses dégoûté ,
Par nos accens ici désire être enchanté ;
Eh bien ! attention ! mes amis , du courage ,
Vous allez voir comment je procède à l’ouvrage.
Suivez-moi ; mais surtout pas de timidité.
Des ânes le renom va passer d’âge en âge.
Nous sommes un troupeau ; bien mieux que les neuf sœurs,
Il faut que nous fassions résonner l’harmonie.
Afin d’en faire ouïr à coup sûr les douceurs ,
D’ânes formons un chœur ; et de la confrérie
Pour préserver la gloire et bannir les abus ,
Voici quel en sera le premier des statuts :
Tout candidat qui dans l’organe
N’annoncera pas l’agrément,
.Qu’on admire en celui de l’âne ,
Doit du Parnasse absolument
Être banni comme un profane.
Tous inclinent l’oreille , à ce doux règlement,
En signe d’applaudissement,
Et la cohorte en chœur tous entame un vacarme ,
A répandre partout l’allarme.
On eût dit mille chariots ,
Dont les essieux, graissés avec économie ,
Eussent fait crier l’air et grincer les échoi.
Enfin, au désespoir des coursiers d’Arcadie,
La honte fut le prix de cette symphonie ;
Leur maître s’impatienta ,
Et chassés du Parnasse avec ignominie ,
Dans l’étable il les relégua.
Aux ignorans ici sans faire de querelle,
Je prétends rappeler ce qu’on a toujours dit :
Lorsque la tête est sans cervelle ,
Ce ne sont pas les lieux qui donnent de l’esprit.
“Le Parnasse”