Nicolas François de Neufchâteau
Un Rimeur, enchanté du produit de ses veilles,
Lut ses vers, par hasard, devant certain Baudet.
Le Baudet secoua ses deux longues oreilles;
Le Rimeur crut vraiment que l’autre l’entendait.
Il est plus qu’on ne croit de rencontres pareilles.
L’amour propre est sitôt content !
Il faut connaître, au moins, ceux à qui l’on veut plaire.
Tel vous répond, qui ne sait guère
Ce que vous croyez qu’il entend.
Parlez à l’Âne; il s’en va braire.
Parlez au bœuf; il va beugler.
Un troupe, c’est bien pis. Mettez-les au parterre,
En chorus ils vont vous siffler.
C’est tout simple : chacun s’explique à sa manière.
Que conclure de là ? Qu’on fait mieux de se taire,
Quand on n’a pas à qui parler.
“Le Poète et l’Ane”