On raconte qu’au temps jadis,
Sous le règne de Busiris,
La sécheresse, avant-courrière
De la famine, désola
Pendant six mois l’Egypte entière.
En vain, pour apaiser le ciel on immola
Le vigoureux Taureau, la Génisse tremblante ;
En vain on fit fumer l’encens sur les autels,
Rien ne fléchit les immortels.
Tout languissait, privé de l’onde bienfaisante.
C’est alors que parut un célèbre Devin,
Qui dit au Roi : « Voici ce que dit le destin :
» Ce sol est trop souillé de crimes ;
» Cesse, ô Roi ! d’égorger d’innocentes victimes !
» Quand tu dépeuplerais l’Egypte d’animaux,
» Tant de sang ne saurait mettre un terme à ses maux :
» Des Dieux la sévère justice
» Demande un plus grand sacrifice.
» Il est dans ton royaume une foule de gens,
» Etrangers au pays, race de malfaisants,
» Seuls objets du courroux céleste ;
» Immole-les, ô Roi ! bientôt, je te l’atteste,
» Aura disparu le fléau.
» J’ai dit : à ce seul prix l’Egypte aura de l’eau. — »
— « Illustre et vénérable augure,
» Tu parles comme un sage, et bientôt, je le jure,
» Les Dieux seront contents ; toutefois il est bon,
» Afin de mieux remplir leur volonté suprême,
» Que tu donnes l’exemple et périsses toi-même :
» Ton aspect, ton accent, ton nom,
» Tout révèle ton origine ;
» Meurs donc, et le premier conjure la famine ! »
Ainsi dit le Tyran, le malheureux Devin
Eut beau se récrier, son désespoir fut vain.
Tout entier au mal qu’il veut faire,
Le Méchant parle, agit parfois imprudemment.
Qu’arrive-t-il ? qu’il est victime très souvent
Des mauvais conseils qu’il suggère.
“Le Tyran et le Devin”