Dans la saison où la nature défaillante annonce aux oiseaux de passage le besoin de chercher une retraite contre les frimas ; deux cailles, l’une jeune et étourdie, l’autre vieille et d’une prudence de dix ans d’expérience, arrivèrent au bord de la mer. Les flots étaient calmes ; les vents enchaînés ; seulement un léger souffle de tramontane semblait favoriser leur voyage. « Je pars, dit la mère-caille à la jeune ; le temps est beau et j’en profile sans plus attendre. Fou qui compte sur la mer et sur la saison. »
— « Quant à moi, rien ne me presse, dit la jeune ; j’ai ici de quoi vivre à gogo ; les frimas sont encore éloignés ; la mer sera calme dans un autre temps, aussi bien que dans celui-ci. Adieu, bon voyage. Puisque vous êtes tant impatiente, partez la première. »
Elle le fit, et s’en trouva bien. Quelque temps après son départ, le manque de vivres, les pluies, le froid, tout vint dire à la jeune caille qu’il n’y avait plus de temps à perdre. Elle se disposa à partir ; mais un vent furieux soulevant les flots, elle fut obligée de rester , si bien que la faim et le froid la firent périr misérablement.
“Les deux Cailles”