Sur le sommet d’un temple magnifique,
On voulut élever l’image de Pallas;
Et, pour ce monument, toute une république
Mit en œuvre deux Phidias :
Grand prix pour qui ferait la plus belle statue ;
On veut choisir : un seul devait avoir l’argent
Et la gloire, par conséquent;
L’autre rien. Chacun s’évertue,
Fait de son mieux; honneur et gain
Pressent nos ouvriers, leur conduisent la main.
Ils ont bientôt achevé leur ouvrage;
On le porte au parvis. Le peuple d’y courir.
Alors de tous les yeux l’un ravit le suffrage;
L’autre à peine se peut souffrir.
Celui qu’on admirait brillait de mille grâces ;
Tous les traits étaient délicats ;
Les contours arrondis, bref, malgré ses menaces,
La critique n’y mordit pas.
L’autre n’était auprès qu’un marbre encore informe ;
Rien de fini ; chaque trait est grossier;
Contours monstrueux,taille énorme :
Le peuple renvoyait l’ouvrage à l’atelier.
« Voilà le maître, et l’autre est l’écolier.
—Tout beau, dit le sculpteur; il faut nous éprouver :
Est-ce pour le parvis que ma statue est faite?
Sur le temple avec l’autre il ra faut élever ;
Et vous verrez d’ici quelle est la plus parfaite. »
On le fit, en plaignant les frais ;
Mais d’abord tout changea de face.
La statue admirée en perdit tous ses traits ;
L’éloignement les confond, les efface.
L’autre, par la distance, acquiert toute la grâce
Qu’on ne soupçonnait point en la voyant de près.
Il faut voir les choses en place.
“Les deux Statues”