Combien de fois, en répétant
De Jean les vers inimitables,
J’ai dit : n’en pouvant faire autant,
Voudrais-je encor faire des Fables ?
Lamotte et le doux Florian
Sont des rivaux moins redoutables;
– Cependant méfions-nous-en,
Si nous voulons faire des Fables.
Ni Dorat, ni son singe Imbert,
N’inspirent de craintes semblables :
Après Richer, après Aubert,
On peut encor faire des Fables.
Boisard, Fumars, et cœtera,
( Car ces auteurs sont innombrables )
M’ont-ils, par un nec plus ultra ,
Fermé l’heureux pays des Fables?
Faut-il sur le trépied sacré
Invoquer les dieux ou les diables?
Faut-il par eux être inspiré
Tour dire : Je ferai des Fables ?
Non ; mais s’il faut être agité
Par des émotions aimables.,
En prêtant à la vérité
Le voile transparent des Fables ;
S’il faut ne pas voir sans douleurs
Du vice les succès coupables,
Et de la vertu les malheurs,
Hélas ! qui ne sont point des Fables ;
S’il faut, au bruit de la cité
Trouvant les hameaux préférables,
S’y plaire à la société
Qui ne parle que dans les Fables.
S’il faut, de la Nature épris,
Aux plaisirs purs et véritables
Chaque jour mettre un nouveau prix.
Allons, je puis faire des Fables.
Enfin de l’astre dominant
Les décrets sont inévitables :
Le mien voulut absolument
Que je fisse un recueil de Fables.
Le voilà ce petit recueil :
Prononcez, lecteurs équitables;
Pourrai-je bien, sans trop d’orgueil,
Dire : j’ai fait aussi des Fables?
“Prologue de Pierre-Louis Ginguené”