Jean de La Fontaine
Poète, moraliste et fabuliste XVIIº – La Mort et le Bûcheron
Un pauvre Bûcheron tout couvert de ramée,
Sous le faix du fagot aussi bien que des ans
Gémissant et courbé marchait à pas pesants,
Et tâchait de gagner sa chaumine enfumée.
Enfin, n’en pouvant plus d’effort et de douleur*,
Il met bas son fagot, il songe à son malheur.
Quel plaisir a-t-il eu depuis qu’il est au monde ?
En est-il un plus pauvre en la machine ronde* ?
Point de pain quelquefois, et jamais de repos.
Sa femme, ses enfants, les soldats, les impôts,
Le créancier, et la corvée
Lui font d’un malheureux la peinture achevée.
Il appelle la mort, elle vient sans tarder,
Lui demande ce qu’il faut faire
C’est, dit-il, afin de m’aider
A recharger ce bois ; tu ne tarderas guère.
Le trépas vient tout guérir ;
Mais ne bougeons d’où nous sommes.
Plutôt souffrir que mourir,
C’est la devise des hommes.

Analyse de la fable
- Analyse de la fable : La Mort et le Bûcheron de La Fontaine
- Le Bûcheron et la Mort par Despréaux
- Commentaires et analyses sur La Mort et le Bucheron de MNS Guillon
- La Mort et le Malheureux par Rousseau

Analyses de MNS Guillon
(1) Un pauvre bûcheron tout couvert de ramée,
Sous le faix, etc. Quel tableau ! pas un mot qui ne soit une image ; pas un trait qui n’ajoute à la beauté de l’ ensemble. Quelle force dans les couleurs ! et surtout quelle savante progression dans la peinture de ces charges diverses sous lesquelles gémit le pauvre vieillard : c’est le bois, c’est l’âge , c’est la misère, c’est tout à la fois. On est ému, attendri, à l’aspect de tant d’infortune ! Hantée,
vieux mot. Clém. Marot: L’autre à sa dame estandoit la ramée. ( Temple de Cupido ).
Sous le faix du fagot. C’est bien assez, c’est déjà trop de ce seul fagot pour l’écraser, tant les ans et ses longs malheurs l’ont rendu foible ! Gémissant et courbé, marchait à pas pesans. La marche de ce vers est lente et pénible comme celle du Bûcheron. Enfin , n’en pouvant plus d’efforts et de douleur. Ce dernier trait achève le tableau et le rend admirable. C’est la nature qui succombe ; elle a épuisé jusqu’à ses derniers efforts. Que David ait à représenter cette scène, il ne lui reste plus rien à imaginer : seulement qu’il copie La Fontaine, et l’art comptera un chef-d’œuvre de plus. Pour faire son Jupiter, Phidias n’eut qu’à imiter Homère.
(2) Quel plaisir a-t-il eu, etc. Combien ce monologue est touchant! L’homme qui souffre serait moins malheureux, sans doute, s’il pouvait se dérober au sentiment de son malheur. Mais non, ce n’est pas encore assez que le présent l’accable; il faut que sa mémoire elle-même s’arme contre lui. Si du moins ses souvenirs lui offraient quelque aspect moins lugubre! Non : pas un plaisir dont l’image riante mêle une distraction légère au spectacle de ses maux, dont la longue énumérations embrasse tous les moments de sa vie.
(La Mort et le Bucheron) …lire la suite…
Notes sur la fable
*machine ronde : la terre.
*douleur : ” toute la souffrance humaine – ici exprimée en un vers -”
*chaumine : demeure.
Source : Le vieillard et la mort – Un jour un vieillard, portant du bois qu’il avait coupé, faisait longue route. Succombant à la fatigue, il déposa quelque part son fardeau, et il appelait la mort. La mort
arriva et lui demanda pourquoi il l’appelait. Alors le vieillard épouvanté lui dit : ” Pour que tu soulèves mon fardeau .” Cette fable montre que tout homme aime la vie, même s’il est malheureux et pauvre.
Ésope – Nevelet – et Haudent, D’un pauvre homme appelant la mort. (La Mort et le Bucheron)