De la peau du Lion l’Ane s’étant vêtu
Etait craint partout à la ronde,
Et bien qu’animal sans vertu,
Il faisait trembler tout le monde.
Un petit bout d’oreille échappé par malheur
Découvrit la fourbe et l’erreur.
Martin fit alors son office.
Ceux qui ne savaient pas la ruse et la malice
S’étonnaient de voir que Martin
Chassât les Lions au moulin.
Force gens font du bruit en France,
Par qui cet Apologue est rendu familier.
Un équipage cavalier
Fait les trois quarts de leur vaillance.

Analyses de Chamfort – 1796.
Cette petite fable, ainsi que plusieurs de ce cinquième livré , est du ton le plus simple : les deux meilleures sans contredit sont celles de l’ours et celle de la vieille et les deux servantes. Nous serons plus heureux dans le livre suivant. (L’Âne vêtu de la peau du lion)
Commentaires de MNS Guillon – 1803.
1) Un petit bout d’oreille, etc. C’est surtout à la lecture qu’on réussirait à faire sentir la finesse de ce vers. ( V. M. l’abbé Aubert, Tome I.
discours sur la manière de lire les Fables ; à la suite de ses fables. )
(2) Martin fit alors son office. C’est le Martin-bâton qui s’est déjà exercé sur l’Âne de la fable 5 du Liv. IV. Cette burlesque dénomination est prise de Rabelais, L. III. ch, 13, et elle a été cent fois imitée depuis.
La plupart des autres fabulistes amènent sur la scène un Renard qui découvre la fraude. Les autres animaux en font justice en l’assommant. Le rôle du Renard est inutile : aussi La Fontaine ne l’a-1-il pas employé. Et puis, pourquoi faire mettre à mort un pauvre Ane qui n’est que ridicule ? il y a bien plus de comique à le ramener au moulin.
On peut reconnaitre la haute antiquité de cette fable au pro verbe populaire commun chez les Grecs : Vous m’avez mis sur les épaules une peau de lion. En effet, c’est là l’origine à laquelle Erasme là rapporte dans ses adages, p. 146. éd. in-fol.
Etudes et analyses des fables de La Fontaine, Louis Moland,1872.
Fable XXI. L’Âne vêtu de la peau du Lion, Esope, 262, 141, — Avianus, 5.
Cet apologue est dans les livres indiens et indo-chinois, à commencer par le Pantchatantra, chap. IV, f. 8. Dans l’Hitopadesa chap. III, f. 3, l’âne, vêtu de la peau d’un tigre, s’engraisse dans le champ d’un voisin que son aspect épouvante. Mais il se met à braire, et le voisin détrompé le chasse et le tue. Dans les Avadànas, XCI, l’âne est couvert de la peau du lion, et il nous instruit à ses dépens » à distinguer le faux du vrai. »