Omar Khayyam
Écrivain et poète – Quatrains – Moyen-âge
QUATRAINS ou RUBAIYAT : 1 – 2 – 3 – 4 – 5
18
C’est nous qui nous livrons aux volontés du vin, c’est avec joie que nous offrons nos âmes en holocauste aux lèvres souriantes de ce jus divin. Ô spectacle ravissant! noire échanson tenant d’une main le goulot du flacon, et de l’autre la coupe qui déborde, comme pour nous convier à recevoir le plus pur de son sang!
19
Oui, c’est nous qui, assis au milieu de ce trésor en ruine, entourés de vin et de danseurs, avons mis on gage (pour nous les procurer) tout ce que nous possédions : Âme, cœur, hardes, et jusqu’à notre coupe. Nous sommes ainsi affranchis et de l’espérance du pardon et de la crainte du châtiment Nous sommes en dehors de l’air, de la terre, du feu et de l’eau.
20
La distance qui sépare l’incrédulité de la foi n’est que d’un souille, celle qui sépare le doute de la certitude n’est également que d’un souffle; passons donc paiement cet espace précieux d’un souille, car notre vie aussi n’est séparée (de la mort) que par l’espace d’un souffle.
21
Ô roue du destin ! la destruction vient de ta haine implacable. La tyrannie est pour toi un acte de prédilection que lu commets depuis le commencement des siècles» cl toi aussi, ô terre, si l’on venait à fouiller dans ton sein, que de trésors inappréciables n’y trouverait-on pas !
22
Mon tour d’existence s’est écoulé en quelques jours. Il est passé comme passe le vent du désert. Aussi, tant qu’il me restera un souille de vie, il y a deux jours dont je ne m’inquiéterai jamais, c’est le jour qui n’est pas venu et celui qui est passé.
«
23
Ce rubis précieux vient d’une mine à part, cette perle unique est empreinte d’un sceau à part; nos différentes conclusions sur cette matière sont erronées, car l’énigme du véritable amour s’explique dans un langage à part (et qui n’est pas à notre portée).
24
Puisque c’est aujourd’hui mon tour de jeunesse, j’entends le passer à boire du vin, car tel est mon bon plaisir. N’allez pas, à cause de son amertume, médire de ce délicieux jus, car il est agréable, et il n’est amer que parce qu’il est ma vie.
26
0 mou pauvre cœur puisque ton sort est d’être meurtri jusqu’au sang par le chagrin, puisque ta nature veut que lu sois chaque jour accablé d’un nouveau tourment, alors, ô âme! dis-moi ce que tu es venue faire dans mon corps, dis, puisque tu dois enfin le quitter un jour?
26
Tu ne peux te flatter aujourd’hui de voir le jour de demain; penser même à ce demain serait de ta pari pure folie; si tu as le cœur éveillé ne perds pas dans l’inaction cet instant de vie (qui te reste) et pour la durée duquel je ne vois aucune preuve.
27
Il ne faut pas sans nécessité aller frapper à chaque porte. Il faut s’accommoder du bien comme du mal d’ici-bas, car on ne peut jouer que d’après le nombre de points que nous présente la surface des dés jetés par le destin sur le damier de ce petit bol céleste.
28
Cette cruche a été comme moi une créature aimante et malheureuse, elle a soupiré après une mèche de cheveux de quelque jeune beauté; cette anse que tu vois attachée à son col était un bras amoureusement passé au cou d’une belle.
29
Avant loi et moi, il y a ou bien des crépuscules, bien des aurores, et ce n’est pas sans raison que le mouvement de rotation a été imprimé aux deux. Sois donc attentif quand tu poseras ton pied sur celle poussière, car elle a été sans doute la prunelle des veux d’une jeune beauté.
30
Le temple des idoles et la kaaba sont des lieux d’adoration, le carillon des cloches n’est autre chose qu’un hymne chanté à la louange du Tout-Puissant. Le mehrab, l’église, le chapelet, la croix sont en vérité autant de façons différentes de rendre hommage à la Divinité.
31
Les choses existantes étaient déjà marquées sur la tablette de la création. Le pinceau (de l’univers) est sans cesse absent du bien et du mal. Dieu a imprimé au destin ce qui devait y être imprimé; les efforts que nous faisons s’en vont donc en pure perle.
32
Je ne puis indistinctement dire mon secret aux mauvais comme aux bons. Je ne puis donner de l’extension à l’exposé de ma pensée essentiellement brevet Je vois un lieu dont je ne puis tracer la description; je possède un secret que je ne puis dévoiler.
33
La fausse monnaie n’a pas cours parmi nous. Le balai eu a déblayé entièrement notre joyeuse demeure. Un vieillard revenant de la taverne me dit : Bois du vin, ami, car bien des existences succéderont à la tienne durant ton long sommeil.
34
En face des décrets de la Providence rien ne réussit que la résignation. Parmi les hommes rien ne réussit que les apparences et l’hypocrisie. J’ai employé en fait de ruse tout ce que l’esprit humain peut inventer de plus fort, mais le destin a toujours renversé mes projets.
35
Si un étranger te témoigne de la fidélité, considère-le comme un parent; mais si un parent vient à te trahir (en quoi que ce soit), regarde-le comme un malintentionné. Si le poison le guérit, considère-le comme un antidote, et si l’antidote t’est contraire, regarde-le comme un poison.
- Quatrains de Omar Khayyam, suite 2