Pierre Louis Solvet
Homme de lettres, écrivain et analyses des fables – Le Lion et le Rat
Études sur Le Lion et le Rat de La Fontaine, P. Louis Solvet – 1812
Le Lion et le Rat. — XII. La Colombe et la Fourmi.
Ésope , 222 et 41.

C’est apparemment pour rompre l’uniformité des préceptes que La Fontaine a, par la dernière Fable , mis une sorte d’intervalle entre ces deux apologues et ceux qui la précèdent Immédiatement , car leur morale, quoiqu’offrant une apparence de contraste, émane des mêmes principes. Il fait voir, dans les deux premières, qu’un ennemi, quelque faible qu’il paroisse, est toujours à craindre, dans celles-ci :
Qu’il faut, autant qu’on peut, obliger tout le monde ,
Qu’on a souvent besoin d’un plus petit que soi.
Ces deux Fables, dit Chamfort, ne comportent aucune espèce de notes, n’étant remarquables ni par de grandes beautés, ni par aucun défaut. C’est la simplicité et la pureté de Phèdre avec un peu plus d’élégance.
L’Aigle et le Rat, dans Richer (1), est une imitation du premier de ces deux apologues , sur lequel ce fabuliste a prétendu enchérir en ajoutant une circonstance dont l’histoire n’offre peut-être que trop d’exemples , mais peu convenable à la morale de la Fable, qui doit être saine et utile à l’humanité.
Du bienfait quel fut le salaire?
«Qui sert trop bien les grands risque de leur de plaire ;
Le Rat l’avoit trop obligé :
L’Aigle à l’instant l’étouffé dans sa serre.
V. 17. Patience et longueur de temps
Font plus que force ni que rage.
Longueur de temps, expression toute latine : Nihil est quod longinquitas temporis efficere non poasit. (Cicer. de Divinat.)
Dans ses observations sur la Fable de la Colombe et la Fourmi, M. Guillon fait, à l’occasion de ce vers :
Quand sur l’eau se penchant, une fourmis y tombe,
la remarque suivante : « Le mot fourmi ne prend s qu’au pluriel. Les lexicographes n’ont point remarqué cette innovation de La Fontaine. » C’est que ce n’en est point une, Corrozet commence ainsi sa Fable sur le même sujet:
Une Formis alloit à la fontaine.
Marot aussi ne l’écrit jamais autrement. Ce n’est pas moins une sorte de licence que prend ici La Fontaine, car partout ailleurs il écrit fourmi.
V. 17. La Colombe l’entend, part et tire de long.
Tirer de long, expression de Rabelais : « Tirons vie de long (liv. 4 , ch. 66), de l’italien andar via.