La vie des ouvrages de Jean de La Fontaine
Histoire chronologique de la vie et des œuvres de La Fontaine:
1654 – 1658 – 1659 – 1660 – 1661 – 1663 – 1664 – 1665 – 1667 – 1669 – 1671 – 1673 – 1674 – 1680 – 1681 – 1682 – 1684 – 1685 – 1686 – 1687 – 1688 – 1689 – 1691 – 1692 – 1693
1667. — On vit paroître à Paris deux éditions de ses autres Contes et Nouvelles en vers, avec deux privilèges du roi, des 20 octobre 1665 et 6 juin 1667. Le public les reçut avec des applaudissements infinis . Comme le présent recueil ne contient ni contes ni fables, on n’a tiré de ces volumes que quelques pièces qu’il y a mêlées, qui ne sont ni de l’un ni de l’autre genre, et qui méritent d’être conservées. Tels sont la ballade : Je me plais aux livres d’amour ; le fragment des Amours de Mars et de Vénus ; et l’Arrêt d’Amour, qui est une imitation des anciens Arrêts d’Amours de Martial d’Auvergne, et que Benoit de Court a commentés en latin. On a déjà fort bien remarqué que La Fontaine, qui n’étoit pas assurément un grand critique, a pourtant, dans la Ballade des livres d’amour, décidé très-heureusement un point difficile sur l’ancienneté d’entre Achilles Tace, auteur du roman de Clitophon, et Héliodore, que les savants ignoroient, et qui se trouve vrai :
Clitophon a le pas par droit d’antiquité;
Héliodore put par son prix le prétendre.
Je remarquerai ici que la Dissertation de Despréaux sur la Joconde est jointe à la deuxième édition des Contes depuis 1669. Despréaux voulut donc bien que cette pièce accompagnât les Contes publiquement, et c’est ce que son commentateur n’a point remarqué, en donnant depuis peu cette Dissertation parmi les ouvrages de Despréaux. Il a, au contraire, voulu nous faire entendre que Despréaux, qui n’étoit pas homme à abandonner le juste mérite de ses ouvrages, ne faisoit pas grand cas de cette Dissertation. Il y a, dans cette môme édition de 1669, deux préfaces en prose, où La Fontaine justifie, tant bien qu6 mal, la licence de ses Contes. La gaieté de ces contes passe, dit-il, légèrement. Je craindrois bien plutôt une douce mélancolie, où les romans les plus chastes et les plus modestes sont capables de nous plonger; ce qui est une grande préparation pour l’amour. On lui en fit une affaire auprès du roi ; cela inquiéta un peu ses muses et lui inspira la ballade : Roi vraiment roi ‘, où dans l’envoi il dit au roi, à qui on lui avoit conseillé de s’adresser :
Ce doux penser, depuis un mois ou deux,
Console un peu mes muses inquiètes.
Quelques esprits ont blâmé certains jeux,
Certains écrits, qui ne sont que sornettes;
Si je défère aux leçons qu’ils m’ont faites,
Que veut-on plus? Soyez moins rigoureux,
Plus indulgent, plus favorable qu’eux.
On raconte qu’ayant voulu donner cette pièce au roi, un grand seigneur le présenta. Mais, après l’avoir bien cherchée dans ses poches, il ne la trouva point; il l’avoit oubliée, et le roi lui dit avec bonté que ce seroit pour une autre fois.
Il nous apprend lui-même que les critiques trouvoient de l’obscurité dans ses Contes. Il dit, dans une de ses fables, à Melle de Sillery :
Mes contes, à son avis,
Sont obscurs : les beaux esprits
N’entendent pas toute chose.
“La Fontaine et Despréaux”