Jean de La Fontaine
Poète, moraliste, romancier et fabuliste XVIIº
Histoire de la vie des ouvrages de La Fontaine… de 1621 à 1695
Origine des fables de Jean de la Fontaine

Les hommes éclairés qui commencèrent les recherches dont je présente aujourd’hui le résultat s’étaient proposé de mettre les lecteurs à même de comparer les différentes manières dont on avait traité l’apologue, suivant la diversité des temps, des lieux et des personnes; mais ils avaient bien senti que cette tache serait impossible à remplir, si l’on ne se prescrivait de certaines bornes; et c’était pour se restreindre à des limites convenables qu’ils avaient choisi comme terme de comparaison les fables de La Fontaine, dont le nombre est assez considérable pour laisser aux divers rapprochements toute la latitude nécessaire. Leur perfection leur donne, en outre, le double avantage de fournir au lecteur une mesure certaine pour l’estimation du mérite des autres, et d’offrir en même temps à son esprit un véritable délassement dans ce genre d’études. J’ai, par mes travaux, considérablement ajouté à ce qu’avaient produit les premières recherches ; le but de ceux qui les avaient entreprises a été constamment le mien ; mais, en comparant tant d’apologues à ceux de notre fabuliste, il m’a été impossible de n’être pas frappé de plusieurs ressemblances entre les idées, les tournures et les expressions, qui m’ont fait penser que La Fontaine s’était adressé parfois à tel de ses prédécesseurs plutôt qu’à tel ou tel autre. Ces remarques se sont multipliées de jour en jour ; j’en ai fait l’objet d’un travail particulier, et je me hasarde à publier ici d’une manière très-abrégée, et comme accessoire, la réunion de ces conjectures. Ce ne sont que des probabilités, et je ne les présente que comme mes préjugés dans une question difficile à décider, et sur laquelle d’autres, avant moi, ont, avec plus ou moins de bonheur, offert des opinions souvent assez peu semblables aux miennes. Avant de me livrer à cet examen, je commencerai par séparer les fables de La Fontaine en autant de parties qu’il y en eut de publiées du vivant de l’auteur, c’est-à-dire que je prendrai à part celles qui furent imprimées en 1668, 1671, 1678-79, et en 1693-94.

1668
Cette première édition ne comprenait que les six premiers livres des fables, et celles-ci sont au nombre de 124. On ne s’attend pas, je l’espère, à me voir justifier pour chacune d’elles les raisons qui me déterminent à leur attribuer l’origine que je vais indiquer ; mais, en les réunissant en plusieurs groupes, on pourra raisonnablement admettre que toutes celles qui composent chacun d’eux reconnaissent une source commune, lorsque la plupart présenteront des signes évidents d’imitation. Ésope, Horace et Phèdre sont les trois anciens auteurs dont je crois devoir m’occuper en premier sous le rapport de ces recherches. La Fontaine ne nous parle que d’Ésope dans cette première partie : dans la préface, il cite cependant et Phèdre et Avienus. Il serait important de savoir quel est celui des recueil d’Apologues ésopiques auquel il a eu recours. Pour arriver à quelque probabilité sur ce point, voyons d’abord quels étaient ceux que l’on avait alors, en commençant par écarter les collections trop rares ou rejetées à raison de leur vétusté, ou écrites en prose française, et, à plus forte raison, celles qui ne renferment que des fables grecques. Après ce premier retranchement, il nous restera la Mythologie ésopique de Nevelet, les Narrations de Gilbert Gousin (Gilb. Cognatus), la grande collection de Cammer-Meister ( Joach. Camerarius ) , et enfin la Vie et les Fables d’Ésope imprimées à Paris, et que je désignerai par le titre d’Ésope de 1535 . La Fontaine me semble avoir eu plus d’obligations à celui-ci, quoiqu’il ait eu parfois recours aux trois autres, comme nous le verrons par la suite. L’Ésope de 1535 lui offrait à la fois les versions latines de Laur. Valla, d’Adr. Badaud, du chanoine Guillaume, de Remicius, avec les fables d’Avienus, et plusieurs autres d’Érasme, de Pline, de Gerbel, d’Aulu-Gelle, etc., éparses dans des recueils ou trop volumineux ou trop rares : il y trouvait encore le premier Hecatomythium d’Abstemius, et le format de ce petit ouvrage, qui ne renferme pas moins de 460 apologues, le rend tellement portatif, que je ne puis m’empêcher de le placer dans la bibliothèque du Bon-Homme, qui n’a pas même dédaigné d’employer les réflexions qui accompagnent plusieurs des fables de ce petit recueil. Je n’hésiterais donc pas à regarder comme empruntés par La Fontaine tous les sujets qu’il renferme et que l’on retrouve dans les six premiers livres de notre fabuliste, si Phèdre et Horace n’en réclamaient pas un certain nombre : ce n’est pas sans balancer que j’indique les quatre fables suivantes comme ayant leurs sources dans les satires et dans les épîtres du lyrique latin.
La Fontaine – Horace.
3. La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf. 9. Le Rat de ville et le Rat des champs. 59. La Belette entrée dans un grenier. 73. Le Cheval s’étant voulu venger du Cerf.
Je crois reconnaître dans la première de celles-ci le dialogue qu’Horace emploie avec une égale vivacité : la seconde et la troisième ne sont pas dans Phèdre; le sanglier de celui-ci ne me semble pas, dans la quatrième, un personnage aussi convenable que le cerf employé par l’ami de Mécène. Les emprunts faits à Phèdre sont plus considérables et moins équivoques. Les neuf premiers sujets, que je présente d’abord, ne se trouvent que dans le fabuliste latin.
La Fontaine – Phèdre
4. Les deux Mulets. 21. Les Frelons et les Mouches a miel. 23. Contre ceux qui ont le goût difficile. 25. Le Loup plaidant contre le Renard par-devant le Singe. 26. Les deux Taureaux et la Grenouille. 42, Testament expliqué par Ésope. 48. L’Aigle, la Laie et la Chatte. 77. Parole de Socrate. 99. Le lièvre et la Perdrix.
J’aurais pu joindre aux précédentes ces cinq fables, dont La Fontaine n’a dû la première ni à Cicéron ni à Quintilien, et dont les quatre autres ne se trouvent point parmi celles de d’Ésope de 1535.
La Fontaine – Phèdre
14. Simonide préservé par les Dieux. 39. Le Paon se plaignant à Junon. 56. Le Lion devenu vieux. 111. Le Vieillard et l’Âne. 115. Le Soleil et les Grenouilles.
La lutte continuelle dans laquelle La Fontaine s’engage avec son modèle prouve assez qu’il doit encore à Phèdre les douze suivantes :
La Fontaine – Phèdre
5. Le Loup et le Chien 6. La Génisse, lion, la Chèvre et la Brebis, en société avec le Lion 7 La Besace 10. Le Loup et l’Agneau 29 La Lice et sa Compagne 41. Le lion et l’Âne chassant 46. Les Grenouilles qui demandait un Roi 60. Le Chat et un vieux Rat 63. La Mouche et la Fourmi 66. Le combat des Rats et des Belettes 81. L’Œil du Maître 92. La Montagne qui accouche
Dans les 13 fables qui vont suivre, les imitations sont moins marquées ; mais on peut penser que notre auteur en a plutôt pris les sujets dans Phèdre que dans aucun autre de ses prédécesseurs.
La Fontaine – Phèdre
3. Le Renard et le Corbeau. 17. L’Homme entre deux âges et ses deux Maitresses. 18. Le Renard et la Cigogne. 20. Le Coq et la Perle. 47. Le Bouc et le Renard. 81. Le Loup et la Cigogne. 53. Le Renard et les Raisins. 69. Le Geai paré des plumes du Paon. 74. Le Renard et le Buste. 98. Le Serpent et la Lime. 112. Le Cerf se voyant dans l’eau. 116. Le Villageois et le Serpent, 120. Le Chien qui lâche sa proie pour l’ombre.
La Fontaine – Ésope de 1535
(2). La Cigale et la Fourmi. 8. L’Hirondelle et les petits Oiseaux. 13. Les Voleurs et l’Âne. 16. La Mort et le Bûcheron. 22. Le Chêne et le Roseau. 27. La Chauve-Souris et les deux Belettes. 28. L’Oiseau blessé d’une flèche. 3o. L’Aigle et L’Escarbot. 31. Le Lion et le Moucheron. 33. Le Lion et le Rat. 34- La Colombe et la Fourmi. 36. Le Lièvre et les Grenouilles. 37. Le Coq et le Renard. 38. L’Aigle et le Corbeau. 40. La Chatte métamorphosée en Femme. 44. Les Membres et l’Estomac. 49. L’Ivrogne et sa Femme. 5o. La Goutte et l’Araignée. 52. Le Lion abattu par l’Homme. 54. Le Cygne et le Cuisinier. 55. Les Loups et les Brebis. 61. Le Lion amoureux. 62. Le Berger et la Mer. 65. L’Ane et le petit Chien. 67. Le Singe et le Dauphin. 68. L’Homme et l’Idole de bois. 70. Le Chameau et les Bâtons flottante. 71. Le Rat et la Grenouille. 75. Le Loup, la Chèvre et le Chevreau. 76. Le Loup, la Mère et l’Enfant. 78. Le Vieillard et ses Enfants. 79. L’Oracle et l’Impie. 80. L’Avare et son Trésor. 82. L’Alouette et tes petits. 83. Le Pot de terre et le Pot de terre. 85. Le Pécheur et le petit Poisson. 87. Le Renard qui a la queue coupée. 88. La Vieille et ses deux Servantes. 89. Le Satyre et le Passant. 90. Le Cheval et le Loup. 91. Le Laboureur et ses Enfants. 93. la Fortune et le jeune Enfant. 95. La Poule aux œufs d’or. 97. Le Cerf et la Vigne. 102. L’Ours et ses deux Compagnons. 103. L’Âne vêtu de la peau du Lion. 104. La Pitre et le lion. 106. Phébus et Borée. 109. La Renard, le Singe et les Animaux. 110. Le Mulet se vantant de sa généalogie. 113. Le Lierre et la Tortue. 114. L’Âne et ses Maîtres. 117. Le lion malade et le Renard. 119. Le Cheval et l’Âne. 121. Le Charrier embourbé.
J’aurais pu joindre aux fables précédentes celle de Mercure et le Bûcheron (85) ; mais il est impossible de ne pas reconnaître dans l’apologue de La Fontaine la couleur de Rabelais, qui a si plaisamment paraphrasé ce sujet dans le nouveau prologue de son IVe livre. Le premier Hecatomythium d’Abstemius se trouve aussi dans le recueil de 1535 ; mais comme notre auteur a puisé également dans le second, je sépare tout ce qu’il a emprunté à l’un et à l’autre, et qu’il n’aurait pu trouver ailleurs.
La Fontaine – Abstemius
34. Conseil tenu par les Rats. fable. 100. L’Aigle et le Hibou. 101. Le lion s’en allant en guerre. 118. L’An tour, l’Alouette et l’Oiseleur. 122. Le Charlatan. 124. La jeune Veuve.
Dans la première fable du VIe livre, La Fontaine confesse devoir à Gabrias le sujet du Lion et du Chasseur, qu’il n’avait pas trouvé dans Ésope : cette assertion me semble prouver encore qu’il s’était servi du recueil de 1535, où effectivement elle manque, tandis qu’elle se rencontre dans Nevelet, Gilb. Cousin et Camerarius. Quoi qu’il en soit, je vais placer ici les fables qu’il a pu emprunter au pseudonyme Gabrias.
La Fontaine – Gabrias
32. L’Âne chargé de sel et l’Âne chargé d’éponges. 35. L’Astrologue qui s’est laissé tomber dans on Puits. 57. Philomèle et Progné. 43 96. L’Âne chargé de Reliques. 105. Le Lion et le Chasseur. 36
Il me reste à assigner des origines à 14 des fables que nous examinons. Il fallait bien que La Fontaine connût le recueil de Gilbert Cousin, puisqu’il n’a pu trouver que là le sujet de sa fable 72 , Tribut envoyé par les Animaux à Alexandre. C’est sans doute à Faerne qu’il a dû celui des trois suivantes.
La Fontaine – Faerne
58. La Femme noyée. 13 86. Les Oreilles du Lièvre. 51 107. Jupiter et le Métayer. 93
La manière dont la fable 43, le Meunier, son Fils et l’Âne, est contée, prouve assez que le Bon-Homme l’avait prise dans la Vie de Malherbe par Racan ; et c’est plutôt dans Michel Montaigne que dans Sénèque qu’il trouva les vers de Mécène qui lui ont fourni l’idée de sa 15e fable, la Mort et le Malheureux. Les vers de Molinet que j’ai cités à l’article de cet ancien poète doivent sans doute lui avoir fourni le sujet de la fable 45e, le Loup devenu Berger. A-t-il dû celui de la 19e, l’Enfant et le Maître d’École, aux fables de Lockman, L’Estomac et les deux Pieds,…etc, qu’Erpenius avait publiées avec une version latine, ou à Rabelais, qui, dans le chapitre XLII de son premier livre, fait dire à frère Jean des Entommeures : Le Chat, le Cochet et le Souriceau, fable 108, se trouve dans R. Gobin, Philelphe et beaucoup d’autres ; mais je ne sais auquel de ces auteurs on doit donner la préférence : ce-pendant je crois que Philelphe aura été plus connu de La Fontaine. Il aurait pu prendre sa fable épigrammatique, les Médecins,94, dans le recueil de 1535, p. 80; mais on prétend qu’elle doit sa naissance à une anecdote du temps : on nomme même les deux docteurs qui furent les héros de l’aventure. La fable 12, le Dragon à plusieurs têtes et le Dragon à plusieurs queues, était représentée par une fontaine du labyrinthe de Versailles : le mot de l’ambassadeur oriental était donc alors bien connu, et notre auteur n’eut pas besoin d’aller chercher celui de Gengiskan. Trois apologues de cette première partie ne peuvent donner lieu qu’à des conjectures fort hasardées. L’un d’eux, la Discorde, 123, se retrouve bien dans Barthelemi Scala; mais la fable latine de cet auteur n’a été publiée qu’en 1809, par M. de Furia. Un autre, le IIe l’ Homme et son Image, est une allégorie flatteuse qui me parait de l’invention du Bon-Homme. Pour le dernier, 64, le Jardinier et son Seigneur, j’ai mis à la suite une fable de Camerarius, qui m’en parait cependant fort éloignée.
1671
Parmi plusieurs pièces de vers publiées en 1671 par La Fontaine, on trouve 8 nouvelles fables qui furent depuis replacées dans les livres suivants. Je vais essayer à en faire reconnaître l’origine, en les présentant dans l’ordre où elles sont dans cette édition, mais en ajoutant au titre de chacune le n° qui désigne la place qu’elle occupe dans la nôtre.
145. Le Lion, le Renard et le Loup. 133. Le Coche et la Mouche. Si La Fontaine ne doit pas ce sujet au chansonnier Coulanor, il aura sans doute imité la fable 45 de Phèdre, Musca et Mula. 185. Le Trésor et les deux Hommes. 187. Le Milan et le Rossignol. Les originaux de ces deux fables appartiennent a Absténiuss, 109 et 89. 186. Le Singe et le Chat. Cette anecdote rapportée par Sim. Majoli, avait été citée par Noël Dufail et Guill.Bouchet, où La Fontaine l’aura prise, plutôt que d’aller la chercher dans les Jours caniculaires de l’évèque Italien. 151. Le Rat et l’Huître. Ce peu de mots de Gilb. Cousin ( Gilb. Cognatus ), p. 69 , cepto et occisos, peuvent avoir fourni le sujet de cette fable à notre auteur, qui en aura pris les deuils dans Rabelais et dans la première d’Abstenius. 173. Le Gland et la Citrouille. Dans le recueil des Facéties de Tabarin et de Grattelard, 1623. 178. Les Plaideurs et l’Huître, Boileau , dans son épitre au Roi, en 1668 ou 1669 , avait mis en vers ce conte, qu’il avait entendu faire à son père.

1678 -1679
Dans ces deux années il parut une seconde édition des six premiers livres de La Fontaine, avec la première des cinq suivants : ceux-ci nous offrent 81 fables, outre les 8 dont nous venons de parler. Comme il le dit dans la préface qui précède ces dernières, il a eu moins recours à Ésope; mais il a pris plus fréquemment des sujets dans Bidpaï et dans quelques autres. Ces derniers mots me semblent annoncer que le nombre des auteurs originaux doit augmenter. Le recueil de 1535 ne nous présentera que 11 sujets de fable.
La Fontaine – Ésope 1535
126. Le mal Marié. 137. Les deux Coqs. 147. L’Homme et la Puce. 154. Le Cochon , la Chèvre et le Mouton. 158. L’Horoscope. 172. Le Singe et le Léopard. 179. Le Loup et le Chien maigre. 182. Jupiter et le Passager, 196. Le Coqs et la Perdrix. 199. Les Poissons et le Berger qui joue de la flûte.
On n’a pas oublié, je l’espère, que Guill. Haudent a mis en vers français toutes les fables de ce recueil, et qu’il en a deux de plus, que notre auteur imita : car je crois pouvoir attribuer à ce rimeur l’origine de la 125e, les Animaux malades de la peste, dont on retrouve le germe dans l’apologue 66 du vieux poète. Quoique le recueil dont nous venons de nous occuper contienne le premier livre d’Abstemius, j’ai cru devoir encore séparer, comme je l’ai fait pour les premières fables de La Fontaine, celles qui appartiennent à cet auteur, qui nous donne à présent 19 sujets que le fabuliste français n’avait pu, pour la plupart, rencontrer ailleurs. Les voici :
La Fontaine – Abstemius
132. Les Vautours et les Pigeons. 138. L’ingratitude et l’injustice des Hommes envers la Fortune. 143. Le Mort et le Mourant. 146. Le pouvoir des Fables. 148. Les Femmes et le Secret. 15o. Le Rieur et les Poissons. 156. Les Obsèques de la Lionne. 159. L’Âne et le Chien. 161. L’Avantage de la Science. 165. Le Torrent et la Rivière. 177. Le Fol qui vend la Sagesse. 180. Bien de trop. 181. Le Cierge. 188. Le Berger et son Troupeau. 193. L’Enfouisseur et son Compère. 104. Le Loup et les Bergers. 195. L’Araignée et l’Hirondelle. 207. Le Fermier, le Chien et le Renard. 212. Le Vieillard et les trois jeunes Hommes.
Phèdre ne nous donne ici que le sujet de la fable 167, les deux Chiens et l’Âne mort, qui est bien certainement tirée de la 20e de l’auteur latin ; mais Bidpaî nous en présentera 18 au moins,
La Fontaine – Bidpai
14o. Le Chat, la Belette et le petit Lapin, 152. L’Ours et l’Amateur des jardins. 153. Les deux Amis. 163. Le Faucon et le Chapon. 164. Le Chat et le Rat, 169. Le Loup et le Chasseur. 170. Le Dépositaire infidèle. 171. Les deux Pigeons. 170. La Souris métamorphosée en Fille. 184. Le Mari, la Femme et le Voleur. 190. L’Homme et la Couleuvre. 191. La Tortue et les deux Canards. 192. Les Poissons et le Cormoran. 198. Le Berger et le Roi. 200. Les deux Perroquets, le Roi et son Fils. 202. La Lionne et l’Ourse. 204. Les deux Aventuriers et le Talisman. 3o4. Le Marchand, le Gentilhomme, le Pâtre et le Fils de roi.
J’aurais peut-être dû joindre aux précédentes la fable 205, le Lion, qui me semble fournie, au moins pour la plus grande partie par le même auteur (t. 1, p. 157); et je crois aussi que le Bon-Homme a dû aux aventures du Rat Zirac (Bidpaî, t. 2, p. 287), le sujet de son 127e apologue, le Rat qui s’est retiré du monde, quoique la moralité soit tout entière à La Fontaine, qui a pris, sans doute aussi, dans quelques communications avec des orientalistes, celui de sa fable 208, le Songe d’un Habitant du Mogol. Je n’attribue pas à Bidpaî l’origine de la fable 134, la Laitière et le Pot au lait, dont le sujet me semble plutôt avoir été fourni par J. Régnier, avec ceux des suivantes.
131. La Cour de Lion 134. La Laitière et le Pot au lait 149. Le Chien qui porte à son collier le dîner de son Maître 210. Le Renard et le Loup
Quatre anecdotes du temps ont fourni à La Fontaine les sujets d’autant de fables. L’aventure de Paul Néal, célébrée par Butler, est bien certainement la source de la 142e, un Animal dans la Lune, comme celle de M. de Bouliers a servi à la 135e, le Mort et son Curé. La comédie de Devisé sur les sorciers nous montre l’origine de la fable 139, les Devineresses ; et, quant à la a 213e, les Souris et le Chat-Huant, l’auteur lui-même nous apprend que le hasard venait de faire reconnaître cette singulière sagacité de l’oiseau de Minerve. Je crois que l’on ne me disputera pas l’authenticité des origines, pour la plus grande partie des fables que je vais indiquer.

La Fontaine
141. La Tête et la Queue du Serpent. Amyot-Plutarque, Vie d’Agis et Cléomène. 166. L’Éducation. 144. Le Savetier et le Financier. 155. Tircis et Amaranthe, Boileau. Ce satyrique prétend avoir fait , dans sa première jeunesse, l’épigramme à laquelle répond si bien la prétendue fable de La Fontaine. 157. Le Rat et l’Éléphant. M.*** J’ai déjà dit que je ne pourrais méconnaître dans cet anonyme la source de cette fable. 168. Démocrite et les Abdéritains. Le sujet en est bien évidemment pria dam la IIe lettre (supposée) d’Hippocrate à Damagète. 211. Le Paysan du Danube. 175. Le Statuaire et la Statue de Jupiter. Quelques versets d’Isaïe, plusieurs vers d’une satire d’ Horace me semblent avoir donné naissance à cette fable, qui n’est que le développement des idées de ces deux auteurs, contenues dans les morceaux que j’en ai citée
Les origines que j’ai assignées aux fables précédentes ne sont pas improbables; mais il me paraîtrait imprudent d’en vouloir donner aux autres apologues de cette seconde partie. Ils sont au nombre de douze : on peut, il est vrai, en retirer la fable 206, les Dieux voulant instruire un fils de Jupiter: cette allégorie est bien certainement de l’invention de La Fontaine , qui n’avait donné que le titre de discours à deux dissertations en vers, les Lapins, 203, et les deux Rats, le Renard et l’Œuf, 188, placées parmi ses fables. Le commencement d’un conte dont j’ai donné l’extrait, et une épigramme de Martial, offrent bien quelques ressemblances avec les fables 108, le Héron, et 129, la Fille, mais ne peuvent être indiqués comme en étant les sources. Je croirais volontiers que les “Souhaits, fable 130”, ont été inspirés par un morceau contre les vœux exagérés et insensés des hommes, que Rabelais a inséré dans le nouveau prologue de son IVe livre, et qui se termine par cette singulière phrase : « Souhaitez donc médiocrité : elle vous adviendra et encore mieulx, duement cependant laborans et travaillant ».
Quant à la source des sept autres fables, je n’ai rien trouvé qui pût la faire présumer. Je les indique seulement pour les mieux désigner à de nouvelles investigations. 136. L’homme qui court après la Fortune et l’Homme qui l’attend dans son lit. 160. Le Bassa et le Marchand. 162. Jupiter et les Tonnerres. 174. L’Écolier, le Pédant et le Maître d’un jardin. 197. Le Chien à qui l’on a coupé les oreilles. 209. Le Lion, le Singe et les deux Anes.
1693 —1694

A cette dernière édition, imprimée sous les yeux de La Fontaine, et revue par lui, il ajouta un XIIe livre, qu’il dédia au duc de Bourgogne, mais qui ne se composait pas des mêmes pièces que l’on y fait entrer aujourd’hui. On y trouve d’abord les 23 premières fables des éditions postérieures, puis la 27e de la nôtre : les imitations d’Ovide et les contes que l’on a coutume de joindre aux fables viennent ensuite, et enfin le Juge arbitre, l’Hospitalier et le Solitaire, semble former l’épilogue de tout l’ouvrage.
Un des traites moraux de Plutarque a fourni le sujet de la première fable de ce livre, les Compagnons d’Ulysse, 214. Dans sa dédicace, La Fontaine reconnaît devoir plusieurs sujets au duc de Bourgogne : je vais donc indiquer ceux que j’ai pu retrouver dans un manuscrit qui contient les thèmes du jeune prince. Les voici :
217. Les deux Chèvres. 222. Le Loup et le Renard. 226. Le Renard, les Mouches et le Hérisson. 231. Le Renard et les Poulets d’Inde.
Les fables 215, le Chat et les deux Moineaux, et 218, le vieux Chat et la jeune Souris, faites pour le duc de Bourgogne, la seconde par son ordre, me paraissent bien être de l’invention du Bon-Homme. En observant avec quelle facilité il s’éloigne d’un sujet choisi, je serais porté à croire que la 234e., l’Éléphant et le Singe de Jupiter, a dû sa naissance à plusieurs fables que l’on trouve sous ce titre dans le recueil des thèmes du jeune prince. II peut devoir à l’Ésope de 1535 les fables suivantes :
220. La Chauve-Souris, le Buisson et le Canard. 223. L’Écrevisse et sa Fille. 233. Le Philosophe Scythe.
Phèdre, bien certainement, lui a fourni ces deux-ci : 229. La Forêt et le Bûcheron. 235. Un Fou et un Sage. On ne trouve dans Bîdpaï que le sujet de la fable 228, le Corbeau, la Gazelle , le Rat et la Tortue; cependant La Fontaine nous dit qu’il lui doit aussi le sujet de la 225e le Roi ,le Milan et le Chasseur.
C’est Abstemius qu’il a imité dans la fable 224, l’aigle et la Pie. Le Renard anglais, 236, pourrait être aussi du même auteur; mais je pense que le trait du Roman du Renard que j’ai rapporté à la suite de cette fable, avait été conté à notre fabuliste par madame Hervey. Guill. Haudent, dont on peut partout substituer les fables à celles de l’Ésope de 1535, a pu seul lui donner le sujet de la 221e, la Querelle des Chiens et des Chats, et celle des Chats et des Souris. La source de la fable 232, le Singe, est-elle une anecdote du temps ? c’est ce qui me paraît difficile à décider : j’ai pensé que peut-être une des fontaines du labyrinthe aurait pu en avoir fait naître l’idée.
Il me semble qu’il ne peut s’élever aucun doute sur l’origine des fables suivantes : 216. Le Thésauriseur et le Singe. Tristan Bernard. Le Page disgracié. 219. Le Cerf malade. Desmay fab. 5. 227. L’Amour et la Folie. Le P. Commire. 230. Le Loup, le Renard et le Cheval Math. Régnier, sat. 3. 240. Daphnis et Altimadure. Théocrite, idylle 23. 241. Le Juge arbitre, l’Hospitalier et le Solitaire. Arnaud d’Andilly.
La Fontaine indique lui-même les auteurs qui ont fourni les sujets des quatre petits poèmes qu’il avait placés parmi les fables de son dernier livre. Je n’ai pas besoin de rappeler que, dans les Filles de Minée, il n’a adopté que le récit de la première de ces sœurs; que l’histoire de Céphale et Procris est prise dans une autre partie des Métamorphoses, et qu’il a trouvé les deux autres dans Boisard et dans Bocace. Des trois fables que l’on substitue aujourd’hui, dans le XIIe livre, aux pièces dont nous venons de parler, l’une, la 232e, le Soleil et les Grenouilles, est une traduction de la fable du P. Commire, Sol et Ranœ; la 238e est un épithalame composé pour le mariage du prince de Conti; et la dernière, 238, la Ligue des Rats, est peut-être encore de l’invention de La fontaine.
- Fables Inédites des XIe, XIIIe et XIVe siècles, et les Fables de La Fontaine, rapprochées de celles de tous les auteurs qui avaient, avant lui, traité les mêmes sujets (1825).